3 jours d’un élégant à Naples

Comme Florence, réputée pour ses cuirs et Milan, haut-lieu de la mode, Naples est une des capitales du style. Son histoire atypique et l’excellence de ses artisans lui confèrent même une place singulière dans l’élégance masculine. Rubinacci, Attolini, Kiton, Marinella… à côté des grands noms, une multitude de petites maisons perpétuent la tradition du beau. Zampa di Gallina, spécialiste de l’artisanat napolitain, nous entraîne à leur découverte.

On l’oublie souvent mais Naples a été la capitale du royaume des Deux-Siciles qui rivalisait de splendeur et de flamboyance avec celles de la France et de l’Espagne au XVIIIe siècle. À cette époque, la ville était le point de rencontre des meilleurs artisans venant y proposer leurs produits.

Cette tradition se perpétue de nos jours et particulièrement dans la mode masculine. Aujourd’hui, Naples est reconnue comme étant le berceau de l’élégance italienne : l’art tailleur napolitain n’a pas son pareil.

DES GRANDS NOMS DU STYLE

Marinella

Exemple avec Rubinacci, l’inventeur de la veste napolitaine dans les années 30. Ici, le vêtement est conçu comme une seconde peau qui doit suivre les mouvements. La coupe inimitable de la maison continue de fasciner les élégants du monde entier. Même engouement pour la petite boutique de la Piazza Vittoria, celle de Marinella, le roi de la cravate napolitaine, spécialiste des motifs « Ancient Madder » ou « Paisley ».
Tous les chefs d’État en possèdent une.

Depuis Naples, Kiton cultive aussi le beau. Fondée en 1968, la maison fait figure de virtuose dans le monde de la couture. Ses costumes sont réalisés à la main par 350 maîtres tailleurs. Ses clients sont des princes, hommes d’affaires, stars de cinéma.

Cesare Attolini aussi fait partie de cette excellence de l’art sartoriale napolitain avec, aujourd’hui, cette même résonance à l’international. Idem pour Isaia et son style haut en couleur. Et que dire des chemises napolitaines de Luigi Borrelli ? Un art plébiscité autant à Hollywood que par la maison de Savoie dont il est le fournisseur officiel.

Cesare Attolini

Naples, c’est cette élégance-là, mais c’est aussi Maradona et Paolo Sorrentino, le réalisateur de La Grande Bellezza et de la série The Young Pope. Naples, ce sont ces dandys au style chevronné, ces matchs de foot dans la rue et le Christ voilé de la chapelle Sansevero.

DES ARTISANS MÉCONNUS

La cité parthénopéenne se nourrit de ses contrastes. Gorgée d’âme, cette ville transmet son énergie à ses artisans. Ses chemisiers, parapluitiers, gantiers, tailleurs, cravatiers ont élevé leur savoir-faire au rang d’art. Avec la complicité de Zampa di Gallina, spécialiste de l’artisanat napolitain, Monsieur vous emmène à la découverte d’un Naples plus confidentiel, à la rencontre d’artistes méconnus du style qui transmettent, eux aussi, le beau et la tradition de génération en génération.


1er JOUR

ATTANASIO : LES « SFOGLIATELLE »

Parmi les pâtisseries typiques de Naples, il en est une qui doit s’imposer à vos papilles, c’est celle-ci. Tous les Napolitains viennent y déguster les meilleures « sfogliatelle », ce petit gâteau de pâte feuilletée à base de ricotta parfumée et de fruits confits, typique de Naples. C’est l’élément incontournable du petit-déjeuner napolitain avec bien sûr le fameux espresso (un détail qui témoigne de l’amour des Napolitains pour leur café – « il caffè » – et le verre d’eau qui accompagne ce dernier. Il doit être bu avant pour neutraliser les papilles et non après !).

TALARICO : LE PARAPLUITIER DU PAPE

Direction la petite échoppe de Mario et Mario (oncle et neveu) Talarico, derniers parapluitiers traditionnels d’Europe. Une boutique nichée au cœur des vieux quartiers espagnols de la ville. Fabriqués dans des bois nobles tels que le citronnier, l’hickory, le bambou ou le noisetier, ces parapluies sont de vraies œuvres d’art. Les manches sont composés d’une seule pièce de bois et les baleines, allemandes, sont d’une robustesse incomparable. Les canopées reproduisent les motifs des fameuses cravates napolitaines.

En entrant dans cette boutique exiguë, on ne s’imagine pas que ce petit monsieur assis sur son tabouret est le fournisseur du Pape et des plus grandes maisons italiennes et européennes. Les nombreuses photos qui parsèment l’officine peuvent en témoigner.

Disponible dans la Boutique de Monsieur.

Talarico

50 KALO : LA PIZZERIA « DOP »

Séjourner à Naples sans déguster une pizza margherita est une hérésie. N’oublions pas que la pizza y a été inventée ! Située dans un quartier chic de Naples, 50 Kalo propose l’une des meilleures de la ville. Tous les ingrédients utilisés pour préparer les pizzas sont d’appellation d’origine contrôlée (« DOP » en italien).

La pâte, épaisse, est étonnamment légère et digeste. Il est vivement conseillé d’arriver assez tôt, le restaurant n’acceptant pas de réservation.

FRANCESCO MARINO : LE SECRET LE MIEUX GARDÉ DE NAPLES

Ce grand monsieur est une légende de la cravate napolitaine. Les siennes aux motifs typiquement napolitains sont parmi les plus belles de Naples. Il choisit lui-même ses soies à Côme et en Angleterre et supervise personnellement le travail des petites mains de son atelier à San Giorgio a Cremano.

En grenadine de soie, shantung (tissu de soie sauvage) ou soie imprimée, doublées ou non doublées avec roulottage à la main, ses cravates sont d‘une légèreté incomparable et accompagnent parfaitement un costume formel ou une tenue dépareillée. Il fournit d’ailleurs les grandes maisons du luxe napolitaines, italiennes et même européennes depuis des décennies (ne comptez pas sur lui pour vous donner des noms mais quand on connaît un peu les cravates…).

Toujours tiré à quatre épingles, il Signore Francesco considère le port de la cravate comme une obligation formelle, un art de vivre. Il incarne l’archétype du « gentiluomo napoletano » : il ne sort jamais sans cravate, a son tailleur et son chemisier depuis plus de 30 ans. Une vraie « gueule » de Professore au regard espiègle… Son rituel ? Prendre un malin plaisir à tester nos techniques de nouage de cravates.

À l’issue de cet examen, il Signore nous dévoile son interprétation (ses secrets) du nœud de cravate. À Naples, posséder une cravate Francesco Marino, c’est appartenir à un groupe de happy few.

MIMÌ ALLA FERROVIA : L’ART DU POISSON

Pour le soir, ce restaurant de poisson réputé chez la gentry napolitaine est situé dans le quartier populaire du Mercato, près de la piazza Garibaldi.

C’est le meilleur endroit pour y déguster des spaghetti alle vongole (spaghetti aux palourdes) ou une pièce de poisson fraîchement pêchée du matin accompagnée d’un bon blanc de Campanie (un Greco di Tufo par exemple).

Spaghetti aux palourdes

2e JOUR

CAFFÈ GAMBRINUS : UN LIEU HISTORIQUE

Le Gambrinus est une institution à Naples à l’instar du Café Diglas à Vienne ou du Café Gerbeaud à Budapest : lorsqu’on y entre, le temps s’arrête. Ce lieu historique a conservé le charme suranné de la splendeur passée de la capitale du royaume des Deux-Siciles. On s’y attable pour déguster un excellent « babà » au rhum accompagné de l’indispensable espresso ou un cappucino gourmand et son cornetto au Nutella.

Caffè Gambrinus

OMEGA : LE DERNIER GANTIER

À l’instar de Grenoble et Saint-Junien, Naples était l’une des capitales mondiales du gant. Unique gantier artisanal de la ville, Mauro Squillace perpétue cette tradition de génération en génération (son fils Alberto commence à prendre la relève). Les gants Omega sont de vraies pièces d’artisanat : les peaux sont choisies personnellement par Mauro qui les fait teindre à Naples même, les doublures en cachemire sont tricotées dans un petit atelier près du Vésuve.

La fabrication du gant requiert 25 opérations manuelles entièrement réalisées à Naples, de la découpe au produit fini. Omega n’utilise jamais d’emporte-pièce, à la différence des autres gantiers ; la découpe du cuir nécessite à elle seule trois opérations. Agneau ou pécari, doublé soie ou cachemire, mitaines ou gants de conduite, Omega propose une gamme étendue.

Personnalité iconique de Naples et grand amateur de motos, Mauro est un amoureux de son métier. Maîtrisant parfaitement le français, il n’hésite pas à ouvrir les portes de l’atelier (lequel est en réalité un appartement à l’intérieur d’un vieux palazzo) situé dans le quartier populaire de la Sanità. Les clients y entrent comme on vient chez un ami. Et il offre le caffè… si on est gentil.

Gants disponibles dans la Boutique de Monsieur.

Omega

CALABRESE 1924 : L’INCARNATION DU STYLE NAPOLITAIN

Don Eugenio Calabrese, le père fondateur, a ouvert son premier atelier de cravates en 1924. Depuis quatre générations, la famille façonne des cravates et des accessoires chics dans sa petite usine située en plein centre de Naples. Annalisa Calabrese nous accueille avec un caffè (tradition oblige) et nous invite à admirer le travail des artisans qui coupent, cousent et roulottent à la main les cravates et les pochettes. Les écharpes double face sont douces et légères coupées dans les plus belles laines mérinos.

Écharpes disponibles dans la Boutique de Monsieur.

Les choix de motifs et de couleurs représentent la quintessence du style napolitain : même sombres, ils demeurent lumineux ! Ses écharpes en lin ou en laine aux motifs riches rappellent les plus belles pièces d’Hermès… Entre influences anglaises et italiennes, Annalisa joue avec les couleurs et les textures pour proposer les plus beaux accessoires pour l’homme.

De surcroît, Annalisa propose une gamme d’accessoires raffinés pour femme ainsi que de très jolis bagages en cuir et tissu pour les week-ends en amoureux sur la côte amalfi taine.

MARIA SANTANGELO : LA CHEMISE SARTORIALE

C’est l’un des grands fabricants de chemises, dans le pur esprit sartorial napolitain. Les finitions sont en conséquence : boutons en nacre « mother of pearl » cousus en « zampa di gallina » (patte de poule), 4 passages cousus à la main (boutonnières, boutons, hirondelles et tour de manche). Les étoffes proviennent des meilleurs tissus Albini.

BARBATI : LA NOUVELLE GARDE

Tirant son nom de l’une des plus belles plages de Corfou, la marque napolitaine, créée en 2000, a d’abord forgé sa réputation sur ses pantalons et manteaux. Elle propose également depuis quelques années des vestes croisées très « sprezzatura » dans des matières nobles (flanelle, coton, lin…) aux coupes ajustées.

Barati

DA ATTILIO : COMME À LA MAISON

Restaurant sans prétention, c’est « le bon plan pizza » que tous les Napolitains se transmettent. Idéalement situé dans le quartier du marché, il permet de faire une petite pause après avoir acheté quelques fromages et charcuteries du pays ainsi qu’une bonne bouteille de limoncello (la fameuse liqueur de citron de Sorrente). Pour 6 €, on y mange une très bonne pizza margherita et pour quelques euros de plus une dolce et un caffè. Un régal !

Pizza chez Da Attilio

3e JOUR

GABRIELLA DELLORO : LA CHEMISIÈRE

Il existe beaucoup de chemisiers à Naples. Certains grands ont même passé la main et ont transmis les clés de la maison à leurs enfants avec plus ou moins de succès. Entourée des plus grands drapiers, Gabriella, belle femme élégante, manipule et façonne les étoffes pour confectionner les plus belles chemises de Naples.

Gabriella Delloro

Deux essayages, huit passages faits à la main, chaque chemise est réalisée spécialement pour chaque client. Lequel pourra choisir son tissu, sa forme de col, de poignets et ses initiales pourront être brodées à sa demande. Au-delà d’une expertise reconnue, son œil expert décèle tout de suite nos particularités morphologiques. La chemise napolitaine faite main trouve ici sa quintessence. Certains d’entre vous l’auront peut-être croisée lors des trunk shows de Marinella à Londres.

AMATO : UN TAILLEUR À L’ANCIENNE

Amato

Fils de tailleur, ayant commencé son apprentissage à 14 ans, c’est le tailleur de la grande bourgeoisie napolitaine. Loin des grands noms et des petites stars d’Instagram, Monsieur Amato n’a pas (besoin) de site internet ou de compte Facebook, préférant concentrer son attention sur une poche « barchetta » (poche poitrine en forme de « barque ») ou une poche plaquée « a pignata » (en forme de « marmite à pâtes »).

Venir chez lui, c’est vivre une expérience bespoke unique telle que nos grands-pères la pratiquaient. Situé dans un immeuble d’une ruelle étroite, son appartement fait office d’atelier. Ce petit monsieur d’une élégance folle, aux yeux pétillants et à l’énergie contagieuse, confectionne des vestes et des costumes entièrement à la main, notamment – fait rarissime – la couture extérieure de la manche.

Tailleur de la famille Caccioppoli, grands négociants de tissus dont les liasses se retrouvent sur les tables de tous les grands faiseurs de ce monde, il n’accepte plus de nouveaux clients et on y entre par cooptation. Quelques chanceux ont pu cependant profiter de sa venue à Paris l’an dernier…

CONCETTINA AI TRE SANTI : LE VRAI NAPLES

On termine le tour des grandes pizzerias napolitaines par la pizzeria Concettina ai Tre Santi située dans le quartier populaire de la Sanità. À l’instar de 50 Kalo, il faut arriver tôt, le Tout-Naples s’y presse pour avoir une table. On est ici dans le vrai Naples, celui qui voit se mélanger le notaire et l’ouvrier, la petite main et le grand commis.

MARCO CERRATO : UN PANTALON SUR MESURE ?

Marco Cerrato

Il est très rare qu’un tailleur soit également pantalonnier. Ce dernier est un artisan à part et cette profession ne bénéficie pas de la même lumière que les tailleurs ou les chemisiers.

Mais un pantalon bien taillé est tout aussi important qu’une veste bien coupée. Il existe à Naples peu de pantalonniers. Les tailleurs de la ville s’arrachent les meilleurs. Parmi eux, un nom ressort : Marco Cerrato.

Issu d’une famille d’artisans de l’élégance (son père est pantalonnier, son oncle également, et son cousin est l’un des rares fabricants de gilets sur mesure), il travaille en famille dans un petit atelier dans les quartiers populaires de la ville et s’est déjà bâti une solide réputation auprès des amateurs.

Outre les clients du monde entier, il confectionne des pantalons sur-mesure pour les grands tailleurs romains et napolitains.

TOTÒ EDUARDO E PASTA E FAGIOLI : BUCOLIQUE

Ce restaurant qui rend hommage aux deux légendes du cinéma napolitain (Totò et Eduardo de Filippo) se trouve sur les hauteurs de la ville. Ici point de pizza mais une mozzarella di buffala généreuse, un parmigiana (aubergines à la parmesane) succulente et surtout la spécialité napolitaine à ne rater sous aucun prétexte : les « pasta alla scarpariello » (des pâtes à la sauce tomate relevée et au pecorino). Le tout à déguster sur la terrasse avec une jolie vue sur la magnifique baie de Naples.


À SAVOIR

LA LANGUE ?

Le napolitain est une langue à part entière, reconnue comme telle par l’UNESCO en 2013. Idiome méditerranéen par excellence, il se nourrit de toutes les cultures qui ont enrichi Naples au fil du temps, dont la française. On y trouve plusieurs mots d’origine française comme ragù (la fameuse sauce tomate cuisinée en « ­ragoût ») mais également d’autres mots plus truculents comme « ­o purtuallo », l’orange, parce que les soldats français les distribuaient aux enfants en disant « pour toi ».

Autre mot savoureux : les Napolitains appellent le mauvais café – notre « jus de chaussettes » – le ciofeca. C’est un mot d’origine française car les soldats français proposaient aux Napolitains leur café réchauffé, le « chauffé ca(-fé) ».

ZAMPA DI GALLINA

C’est l’unique site internet dédié exclusivement aux accessoires et vêtements haut de gamme napolitains. Passionnés d’art sartorial et de raffinement italien, les fondateurs sont tombés amoureux de Naples dès leur premier voyage. Dans leur site, ils ont décidé de mettre en avant le savoir-faire des meilleurs artisans.

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