Alexis de Redé : un gentleman cosmopolite

Entre fêtes et bals fastueux, la vie rêvée d’un des derniers grands mondains du XXe siècle. il transformait en or tout ce qu’il touchait. Hugo Vickers le raconte.

Parti sur la pointe des pieds en 2004, Alexis de Redé fut probablement un des derniers grands mondains, un gentleman cosmopolite mais surtout un esthète si raffiné qu’on parle encore du « goût Redé ». Son nom restera attaché à l’hôtel Lambert, joyaux architectural parisien bâti sur l’Île Saint-Louis au XVIe et XVIIe siècle, et à celui du milliardaire chilien Arturo López dont il partagera l’existence pendant près de 20 ans (bien que celui-ci fut marié) et auprès de qui il repose au Père Lachaise.

« Vivre dans un cadre d’exception est essentiel »

Orphelin et quasiment ruiné à l’âge de 10 ans, le jeune baron autrichien fera sa scolarité au collège du Rosey sur les mêmes bancs que le futur Shah d’Iran et le Prince Rainier de Monaco. Mais c’est à New York que sa vie bascule quand Arturo López le séduit et change sa vie. Il le rejoindra à Paris en 1946 où il vivra pendant 2 ans au Meurice avant  de s’installer dans un magnifique appartement de l’hôtel Lambert, sublime hôtel particulier de l’Île Saint-Louis où il résidera jusqu’à sa mort en 2004, respectant une de ses règles de vie « vivre dans un cadre d’exception est essentiel ».

Amanda Lear et Salvador Dali posant dans le grand escalier de l’hôtel Lambert.

Au coeur de la Café Society

Représentant de Herzfeld & Stern à Paris, puis vice-président de la banque anglaise Leopold Joseph & Sons, il sera pendant plusieurs décennies au coeur de la Café Society. Ses bals marqueront l’époque comme le Bal oriental ou le Bal surréaliste pour lequel c’est « naturellement » Salvador Dali qui conçoit son masque ! Esthète, dilettante mais financier avisé dont on disait que tout ce qu’il touchait se transformait en or, Redé donne l’impression d’avoir traversé l’époque avec une légèreté extraordinaire. On dirait une vie rêvée : dîners brillants, voyages passionnants, notamment à bord de La Gaviota VI, le yacht d’Arturo où il aura sa suite pour les croisières en Méditerranée, Atlantique, et même en mer d’Écosse. À la mort du milliardaire, c’est lui qui héritera du yacht de 58 mètres de long.

Personnage insaisissable, il fut même avec son associé le Prince Rupert Zu Loewenstein, gestionnaire de la fortune des Rolling Stones avec lesquels ils vécurent quelques aventures mémorables. Avec pudeur, Alexis de Redé dévoile seulement que c’est lui qui a initié Charlie Watts aux souliers sur mesure en le présentant à son « génial bottier » Monsieur Cleverley dont il possédait un nombre incalculable de modèles.

Des Stones à Marie-Louise de Noailles, de Dali aux Rothschilds, de Garbo à Ronald Reagan – son voisin de palier à Hollywood tous aux cercles les plus brillants de la société européenne et américaine. Ce qui ne l’empêchait pas d’avoir la dent très dure  comme à propos de Cocteau qu’il considérait comme un pique-assiette – « un cocktail deux Cocteau » – dont il n’appréciait guère le talent.

Bals costumés fastueux

Chez Redé, recevoir était considéré comme le huitième art. Ses dîners, ses fêtes, ses bals costumés étaient des événements comme on ne peut plus en imaginer. Leur faste, leur magnificence auraient fait la joie des chroniqueurs mondains s’ils y avaient été admis. Mais le baron aimait la discrétion. Seules les confidences des invités et les témoignages, cartons, décors, photos personnelles, rassemblés dans le livre d’Hugo Vickers, en donnent une idée précise.

Le monsieur qui ne fait rien

Comme les confessions du baron qui se décrit sans aucune complaisance, il aimait se définir comme « le monsieur qui ne fait rien ». Un rien qui l’occupait énormément car tout ce qu’il entreprenait réussissait. Ainsi, quand il achète des chevaux, il remporte le prix de Diane et celui de l’Arc de Triomphe ce qui lui procure beaucoup de plaisir. « Comme si j’avais couru moi-même », dira-t-il. Il avait des goûts très sûrs et des dégoûts encore plus. « Je n’aime pas les hommes dont les chaussettes sont si courtes qu’elles laissent voir  la peau […] Ceux qui se dispensent de porter une chemise blanche le soir […] Les cocktails car je déteste avoir une assiette sur les genoux. » En fait, disait-il : « Je déteste beaucoup de choses de ce genre ».

Ce grand socialite, pas socialiste (!), aimait par-dessus tout le silence. Il disait avec son humour si fin « savoir être silencieux » en plusieurs langues… On ne peut que remercier Hugo Vickers pour ce merveilleux témoignage d’une époque révolue qu’il est impossible d’évoquer avec nostalgie.

 


Baron de Redé, souvenirs et portraits, de Hugo Vickers. Plus de 225 photos, 312 pages, format 25,5 x 30 cm, 65 €.
Disponible sur la boutique de monsieur.fr

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