La question Dandy

Dans son album, la photographe Rose Callahan propose une sélection savoureuse de portraits de Dandys. Un inventaire qui pose en filigrane la question du sens du mot “dandy”.

Guy Hills, fondateur de Dashing Tweeds. Signe particulier : humour, tweed et bicyclette.

Trois ans. Ce livre aura pris trois ans de la vie de la très talentueuse photographe américaine Rose Callahan pour rassembler cette incroyable galerie de portraits d’Américains, d’Anglais, de Coréen, de Black, ponctuée de quelques Français. Près de soixante au total. Un véritable club de gentlemen extraordinaires dont la plupart n’auraient cependant pas trouvé grâce aux yeux de Brummel, en tout cas si l’on s’en tient à sa fameuse règle : « Si on se retourne sur vous dans la rue, c’est que vous n’êtes pas bien habillé ».

Des sapeurs occidentaux

Eux en font des tonnes, ce sont de véritables forçats de la fringue qui aspirent « à faire un spectacle d’eux-même ». Ils travaillent à leur propre style « ce qui est un sujet sérieux, profond et personnel », comme le relève le blogueur français Hugo Jacomet. Ce sont des sapeurs occidentaux.

Leur audace est admirable, leur inventivité sans limite, comme leur courage : ils savent souffrir pour être beau, les tweeds les plus épais ne les effraient pas, comme les tissus vintage.
Beaucoup aimeraient que le temps se soit arrêté dans les années 1940. Ce sont des nostalgiques comme Gustav Temple, fondateur du magazine rétro The Chap et leader du mouvement Anarcho-Dandysm, ou Johnny Vercouture qui semble vivre encore à l’époque du Blitz londonien. Souvent ils trouvent l’époque médiocre, c’est sans doute la principale motivation de leur démarche : s’inventer un monde plus que d’être élégant.

Une vieille Underwood

Les textes de Nathaniel Adams apportent un éclairage d’anthropologiste sur leur motivation. Pour un grand nombre, la construction de leur image participe de la promotion de leur activité, que ce soit une boutique, un salon barbier, un blog. Les dandys du XXIe siècle ont plus le sens des réalités que les créateurs du genre, qu’ils soient Français ou Britanniques. Temple, par exemple, n’écrit pas ses textes sur une vieille Underwood mais sur un ordinateur dernière génération. Qu’importe, il a beaucoup d’humour. Quand Adams donne la parole à ses personnages, c’est encore plus intéressant, même touchant comme la confession de Mickaël-François Loir. « Des gens rient de moi et me montrent du doigt, d’autres me félicitent et me disent qu’ils aiment mon élégance. Pour moi, c’est le compliment qui me touche le plus, car si c’est facile d’être à la mode ou excentrique, comme c’est difficile d’être élégant ». Nous sommes bien d’accord !


I am a dandy. The return of the elegant gentleman, photos Rose Callahan, textes Nathaniel Adams, éditions Gestalten, 290 pages (texte en anglais).

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