Parfums d’autrefois

Ils traquent le flacon disparu ou la fragrance vintage. Rencontre avec ces enragés de la narine, puristes et avertis.

« C’est un cuir tabac et ambré… On perçoit les volutes de fumée, un peu de tilleul, d’ylang-ylang, d’œillet et de styrax bouleau. Les fleurs jouent en sourdine, mais si on les enlève, le parfum s’effondre ! » Un dimanche après-midi, dans un loft a de l’Est parisien. Les vingt participants de l’atelier parfums vintage organisé par Auparfum.com écoutent religieusement Yohan Cervi, jeune expert en parfums anciens. Ce passionné de 26 ans, urbaniste dans le civil, a apporté une vingtaine de flacons rares ou disparus de sa collection personnelle. Dont ce Tabac Blond de la maison Caron, créé en 1919 et présenté ici dans sa version extrait de parfum des années 1950.

Qui sont ces puristes

Le voyage olfactif à travers le XXe siècle va durer plus de deux heures, au rythme des touches de papier imprégnées d’Origan (Coty), du Narcisse Noir (Caron), de L’Heure Bleue, de Shalimar (Guerlain) ou encore de Normandie (Jean Patou), offert à l’époque aux passagères de première du célèbre paquebot. Qui sont ces puristes ? « Avant tout des amateurs d’Histoire, d’Art et de culture, résume Yohan Cervi. Ils cherchent à capturer les traces d’une époque où la parfumerie racontait des histoires, tandis qu’aujourd’hui, elle ne vend plus que des concepts et des égéries, ajoute l’expert Jean-Marie Martin-Hattemberg, qui organise depuis 25 ans des ventes aux enchères autour de la parfumerie ancienne, notamment à Drouot. Le gros des troupes, environ 5 000 personnes dans le monde, ce sont les collectionneurs de flacons, conservés dans leur écrin. Ils ne se préoccupent pas de l’état de conservation du parfum. Leur Graal, ce sont les œuvres de cristalliers (Lalique, Julien Viard ou Baccarat) accessibles à partir de quelques dizaines d’euros ».

Des trésors à l’abri de la lumière

Ceux obsédés par l’aspect olfactif, sont plus marginaux. Ils font connaissance grâce à Internet, traquent la bonne affaire sur eBay ou dans les brocantes. Difficile de savoir à l’avance si le spectre originel a survécu au temps. Les ambrés et cuirés ont le meilleur potentiel de garde. Plus capricieux, les chyprés ont tendance à se déséquilibrer. Leurs notes d’agrumes, comme la bergamote, vieillissent mal. « Mais il y a plus de bonne surprises que de mauvaises », estime Yohan Cervi, qui conserve ses trésors à l’abri de la lumière, à 12°C… dans une cave à vin d’appartement.

Les masculins vintage

Comme lui, les mordus de fragrances vintage recherchent en priorité des parfums féminins. « Logique !, explique Jean-Marie Martin-Hattemberg. Ils ont écrit les pages les plus mythiques de la parfumerie. » Popularisés avec les monuments Pour un homme de Caron (1934) ou Eau Sauvage (1966), les masculins vintage sont globalement plus abordables. Le gentleman peut ainsi craquer pour un Derby de Guerlain années 1980 ou un Philéas de Nina Ricci, tous deux autour de 150 € les 100 ml. Il pourra aussi pousser les portes d’une de ces maisons récemment ressuscitées, comme Lubin, Volnay, Isabey ou Oriza L. Legrand. Cette dernière propose notamment Œillet Louis XV (1909) ou encore Violette du Czar (1862), créée à l’époque pour Alexandre II. « Pour recréer cette fragrance cuirée et ambrée, nous sommes partis d’un flacon d’origine certes oxydé mais très expressif », explique Hugo Lambert, qui a relancé avec Franck Bellaiche il y a trois ans cette marque disparue dans les années 1930. Un esprit vintage assumé qui séduit de plus en plus dans le paysage olfactif actuel.


Infos : www.auparfum.com/evenements

 

les articles du moment