Chanel donne de l’allure au temps depuis 30 ans

En trente ans, Chanel s’est imposé dans le paysage horloger, à son rythme et toujours avec élégance. Repoussant les frontières de la création, la maison n’a de cesse de conquérir de nouveaux territoires, et brille aujourd’hui en haute horlogerie.

La créativité de Chanel ne connaît pas de frontières. Mondialement reconnue, la maison fondée à Paris en 1910 rayonne sur tous les continents. Voudrait-on lui fixer des limites, qu’elle s’en défierait. Gabrielle Chanel est la première femme couturière a avoir proposé une collection de haute joaillerie en 1932. Chanel n’était pas supposée investir le territoire de la montre, encore moins celui de la haute horlogerie. Erreur. Être là où on ne l’attend pas, surprendre et enchanter font partie de son histoire. Ainsi, en 1987, Chanel décide de repousser les limites. C’est une première et, d’ailleurs, la montre sera baptisée Première. Depuis, pas à pas, mais avec assurance et certitude, Chanel a construit son univers horloger, avec singularité et inventivité. Souvent en bousculant les codes de l’horlogerie traditionnelle. En osant les monochromes, en imposant le noir et le blanc comme des couleurs phares de l’univers horloger, en faisant de la céramique une matière précieuse, en dépassant la question du genre pour inventer des montres mixtes, en concevant des collections de montres joaillières, et en accédant avec détermination au cercle très fermé de la haute horlogerie.

Comme pour la robe de haute couture, l’oeil du spectateur se laisse charmer sans complètement se douter des coulisses. Mais le regard du professionnel reconnaît la rigueur du travail qui soutient la magie du résultat. Ainsi en est-il des montres Chanel. Leur élégance simple ou leur sophistication, selon les modèles, a la coquetterie de dissimuler la démarche rigoureuse qui conduit à leur élaboration, entièrement réalisée en interne, dès les origines. En effet, depuis trente ans, tout élément des montres Chanel est conçu, développé et fabriqué en interne, dès le dessin du Studio de Création Horlogerie.

La première détermine son territoire
La fabrication est confiée en 1987 à la manufacture suisse Châtelain à la Chaux-de-Fonds, entité que Chanel acquiert en 1993, tout en garantissant son autonomie, suivant les habitudes de gestion de la maison. De quoi faire parler dans le milieu horloger et dynamiter les murs de réticences. « Je me suis servie de mon talent comme d’un explosif » confiait Gabrielle Chanel à Paul Morand en 1946. Mademoiselle savait le pouvoir des idées et de l’audace.

Jamais la maison qui porte aujourd’hui encore son nom, et célèbre son prénom en 2017, avec l’année Gabrielle, ne lui aura été infidèle. Le temps passe, mais seule compte la recherche de l’avenir. Une ligne de conduite qui permet à la maison d’être la première. Première, c’est justement le nom que choisit Chanel en 1987 pour son lever de rideau horloger. Certaine de son rang, la Première précède les autres dans le temps. Comme à l’opéra ou pour un défilé de haute couture, c’est la première qui donne le ton. Inès de la Fressange incarne le lancement de cette montre octogonale voulue et pensée pour les femmes. Pas question d’adapter de simples références masculines en les plaquant à l’univers féminin. Dans le contexte assez conservateur de l’époque, la montre Première détonne par son féminisme audacieux. Elle est à la fois comme un bijou, un accessoire de mode aux codes Chanel, notamment avec ses bracelets en maillons évocateurs des chaines des sacs, un manifeste de l’héritage créatif de la maison, avec sa forme particulière rendant hommage au bouchon du flacon du parfum N°5 et de la place Vendôme, et aussi un authentique garde-temps.

Comme on façonne une broderie ou un matelassage, Chanel travaille la matière et la forme. Sa surface très pure n’est pas limitée par une lunette ni son cadran par des index. Toujours cette idée de repousser les frontières. Avec la montre Première, l’horlogerie Chanel a défini d’emblée son territoire. Simples et sophistiquées à la fois, citadines et élégantes, les montres Chanel pour les femmes suggèrent la féminité. Chanel poursuivra légitimement dans cette voie, en proposant des montres en cohérence avec les symboles de la maison. Ce seront les montres Camélia, Comète, Matelassé, Ruban ou Perles. Chacune marquera son temps et sera un élément de style, réinventant les icônes de la maison, à son époque. Sans oublier la Mademoiselle dont le bracelet de perles fera école et la Chocolat, l’une des premières montres digitales de luxe. Des modèles forts dont l’esprit à la fois couture et intemporel firent sensation dans ce marché alors très traditionnel. Le succès est au rendez-vous. Les femmes s’affirment et assument pleinement la signature Chanel pour leur garde-temps. Pourquoi, alors, en priver les hommes ? Gabrielle Chanel leur avait bien emprunté en Écosse le tweed pour en vêtir les femmes. Au basculement du millénaire, le temps était venu pour Chanel de se tourner vers eux.

Chanel J12 En céramique noire ou blanche, 38 mm, mouvement automatique Chanel Horlogerie. Quantième. Étanche à 200 mètres.

 

La J12 bouscule les conventions
L’an 2000 commence par une révolution en horlogerie : une nouvelle utilisation par Chanel de la céramique. C’est un coup de tonnerre. Pour la première fois, une montre sportive et virile fait le choix de la céramique, un matériau de haute technologie, inaltérable et léger, si confortable à porter puisqu’il prend la température du corps et offre un toucher sensuel. Le dessin de la montre est pensé avec un grand souci d’équilibre et d’élégance par le directeur de la création de l’époque, Jacques Helleu. « Je l’ai réalisée pour moi. J’avais envie d’une montre noire et brillante comme une locomotive de Raymond Loewy » déclarait-il quelques années après, interrogé sur le succès planétaire et par certains côtés inattendu de cette pièce de design contemporain. Un engouement étonnant pour Chanel, cette montre a été conçue dès le départ pour être unisexe (en deux tailles 33 et 38 mm).

En plus d’être un jalon horloger, la J12 est un nouveau phénomène de mode. Mieux, un élément de style. Comme la petite robe noire. D’ailleurs, cette montre s’est intégralement drapée de cette teinte profonde. Une autre révolution à l’époque qui fera largement école quelques années plus tard. Mais tandis que d’autres tenteront ensuite de faire des montres « full black », Chanel prend le contre-pied, et la J12 se réinvente en 2003 totalement immaculée et opalescente. « J’ai dit que le noir tenait tout. Le blanc aussi. Ils sont d’une beauté absolue. C’est l’accord parfait. Mettez des femmes en blanc ou en noir dans un bal : on ne voit plus qu’elles. » Gabrielle Chanel ne s’y trompait pas.

La boy-friend dépasse les genres
Déclinée dans de nombreuses versions et tailles, la montre J12 ne cesse de plaire depuis plus de dix ans. Elle s’offre récemment le luxe d’une version XS, excessivement féminine, avec des bracelets de cuir. De l’expérience créatrice de la J12, Chanel va tirer une nouvelle ligne de conduite : repenser les codes du genre. Avec l’introduction de la Boy-Friend, en 2015, Chanel propose une montre pensée pour les femmes mais avec une idée d’androgynie. De la même manière que Gabrielle Chanel avait libéré les femmes en créant des vêtements féminins mais fonctionnels aux étoffes solides.

La montre Boy-Friend réalise le nouveau tour de force de proposer une montre à l’allure masculine mais totalement dédiée aux femmes. Ses caractéristiques parlent pour elle avec un format large de 37 x 28,60 mm, équipé d’un mouvement mécanique à remontage manuel doté d’un compteur petite seconde à 6h, ou bien une version de 34,60 x 26,70 mm équipé d’un mouvement à quartz. Dans tous les cas, la boîte est incurvée et soulignée par des angles biseautés et des finitions satinées et polies, en or beige avec ou sans diamants, ou en or blanc parée de diamants. Le cadran opalin guilloché est souligné par une forme oblongue et dépouillée de chiffres.Poussant plus loin la logique, le bracelet de métal, reprenant un motif de tweed et conçu à partir d’un emmaillement de fils d’aciers, apporte en 2016 à la montre Boy-Friend une sophistication certaine, qui séduit même les hommes.

Des complications inspirées
La J12 tourbillon a ouvert un nouveau domaine d’expertise en même temps qu’un champ d’exploration pour Chanel, en poussant les portes de la haute horlogerie, un statut que la marque acquiert définitivement avec la J12 Rétrograde Mystérieuse en 2008. Cette montre est alors un concentré d’innovations conjuguant complications et premières mondiales : un tourbillon, une lecture des minutes digitale, une aiguille des minutes rétrograde, une réserve de marche de 10 jours, une couronne verticale rétractable, une montre ronde de 47 mm de diamètre, sans couronne latérale pour un confort optimal au poignet. Le travail de cette complication a été confié à l’un des ateliers de conception/construction horlogère les plus en pointe : l’équipe de Giulio Papi.

En 2012, pour fêter ses 25 ans, la montre Première s’offre à son tour un tourbillon volant. Merveilleux cadeau. Sertie de 228 diamants, pour un total de 7.7 carats, elle met en lumière la belle complication horlogère créée en collaboration avec Renaud & Papi. Les secondes sont indiquées grâce à des pétales, les minutes passent sur le volant en forme de Camélia, la fleur préférée de Coco Chanel.

Mademoiselle privée
Les visiteurs du studio de création, rue Cambon, connaissent cette inscription sur la porte, datant du temps de Gabrielle Chanel : «Mademoiselle Privé». En 2012 également, Chanel décide d’entrebâiller l’accès à cet univers intime avec ses collections de montres joaillerie conçues pour mettre en lumière les sources d’inspiration de la fondatrice et les éléments dont elle aimait s’entourer grâce à des interprétations uniques alliant les Métiers d’Art de l’Horlogerie et de la Haute Joaillerie, sous les doigts des plus grands artisans émailleurs, graveurs, ciseleurs, sertisseurs. Le camélia se fait motif tournant d’une petite seconde, la plume virevolte et le lion veille.

L’étape suivante dans la conquête de la haute horlogerie sera marquée par un jalon plus masculin. En 2016, lorsque Chanel présente la montre Monsieur, avec son premier calibre par son mouvement mécanique entièrement conçu par ses ateliers, celui-ci est sobrement baptisé « Calibre 1 ». Une attitude qui rappelle celle de Gabrielle Chanel, sélectionnant le flacon N°5 lorsqu’on lui présenta des échantillons pour son parfum. Pour concevoir une montre élégante et moderne destinée aux hommes, la maison a décidé de commencer par le mouvement.

En route vers l’infini
Avant même le dessin de la boîte ou le ciblage d’une clientèle. Le développement, en grand secret pendant cinq ans, a été confié à une équipe dédiée de huit personnes. Le résultat est là. Il justifie pleinement le fond très largement vitré qui dévoile entièrement les 14 lignes . (32 mm) et les ponts squelettés de ce mouvement mécanique à remontage manuel de 5,5 mm d’épaisseur, intégrant deux complications majeures : l’heure sautante et les minutes rétrogrades. Pour les servir en énergie, la réserve de marche est de 72 heures, soit bien plus que les standards habituels. Technique et esthétique se marient donc. Du grand art horloger, comme un contrepoint aux merveilles de sertissage et de cadrans métiers d’art imaginées pour les femmes à chaque saison. Une montre dédiée aux esthètes raffinés et contemporains.

Épuré, le cadran de cette montre ronde de 40 mm de diamètre en or gris ou en or beige – un alliage exclusif créé par Chanel – offre des détails élégants. En premier sa typographie spéciale. L’heure sautante apparaît dans un guichet à 6 heures, comme l’extrémité de l’aiguille rétrograde des minutes disposées sur 240 degrés autour d’une petite seconde. Détail discret mais prestigieux, une tête de lion, animal fétiche de Mademoiselle Chanel, marque comme un ex-libris le Calibre 1, la couronne et la boucle à ardillon du bracelet. Ce sceau est désormais la signature des mouvements signés Chanel Horlogerie. C’est bien entendu le cas du Calibre 2. Ce nouveau mouvement, révélé à l’occasion du salon horloger de Bâle cette année, prend la forme d’un camélia et trouve toute son expression au sein du boîtier de la montre Première.

Serti ou non de diamants, le Calibre 2 Camélia Squelette offre une incursion féminine dans l’univers de la haute complication horlogère. Intensément noir, il représente une fleur de camélia en trois dimensions. Ses roues étagées esquissent une silhouette florale qui signe une montre à l’esthétique aussi soignée à l’endroit qu’à l’envers. Ce mouvement mécanique à remontage manuel dispose en outre de 48 heures de réserve de marche. Tout cela a décidément belle allure.


INTERVIEW : LE TEMPS DE GASPARD ULLIEL
L’acteur français a reçu en 2017 le césar du meilleur acteur pour son interprétation dans juste la fin du monde de Xavier Dolan. Rencontre entre deux tournages.

Vous portez la montre Monsieur de Chanel dont le fonctionnement est inédit, subtil. Vous-même, seriez-vous capable de dire comment elle marche ?
Je vais vous surprendre : c’est une montre à heure sautante instantanée et à minute rétrograde.

Vous l’avez appris par coeur !
C’est parce que ça m’intéresse vraiment. Quand l’heure change sur cette montre, l’aiguille de la minute repart à toute vitesse en marche arrière se remettre en position zéro. Dans un monde où tout est à l’emporte-pièce, ce merveilleux détail vient rappeler quelque chose du temps. De plus, elle fonctionne à l’ancienne. Elle a une autonomie de trois jours, mais il faut la remonter. L’heure qu’elle vous donne se mérite. Et aussi, si vous ne la remontez pas, vous arrêtez le temps. Ça vous donne un petit pouvoir.

Seriez-vous tenté de l’arrêter, le temps ?
J’ai une relation particulière à la lenteur. Depuis l’enfance, on me fait cette remarque que j’ai un rythme à moi. On ne peut pas me presser. Je ne voudrais pas arrêter le temps, mais le sentir passer. Et une montre permet cela.

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