Le boom des millennials

Cette génération aux multiples facettes est un casse-tête. Bientôt plus nombreux que les baby-boomers, les 18-35 ans sont pourtant un diamant brut pour les marques de luxe, qui déploient des trésors d’ingéniosité pour les happer.

Les millennials sont individualistes et, en même temps, communautaristes. Ils s’épanouissent dans le virtuel et, en même temps, n’ont jamais autant parcouru le monde. Ils ont grandi avec le sida, le chômage, les secousses du 11-Septembre et, en même temps, gardent une confiance inébranlable en l’avenir. Ce « en même temps » paradoxal ne vous rappelle rien ? C’est le gimmick d’Emmanuel Macron, le premier président de la République Y. Né en 1977, à l’aube de l’éclosion de cette génération ayant vu le jour entre les années 1980 et le crépuscule du second millénaire, il en a adopté les codes. Volonté de différenciation, approche collaborative, goût pour le selfie, omniprésence sur les réseaux sociaux… Et un esprit de contradiction qui se reflète jusqu’à son célèbre tic de langage.

Génération pourquoi
S’il est complexe de définir les 18-35 ans, c’est qu’eux-mêmes refusent de rentrer dans des cases. Leur ciment ? L’informatique. Pour le reste, rien que leurs appellations sont multiples. Les « enfants du millénaire », né à l’ère de la démocratisation d’internet et de la téléphonie mobile, sont tantôt baptisés « digital natives » ou étiquetés « net generation ». « Génération boomerang », entend-on aussi à propos de ces jeunes adultes, qui reviennent vivre chez leurs parents après des soubresauts sentimentaux ou professionnels. D’autres préfèrent parler de « génération Y », clin d’oeil à la forme que tracent les écouteurs toujours vissés à leurs oreilles. C’est aussi parce que le « Y » en anglais se prononce « why » (pourquoi). La génération Y questionne sans cesse, remet en cause l’ordre établi et veut comprendre avant d’agir… Branlebas de combat chez les baby-boomers. Déjà tancés par la génération X – née entre les sixties et les eighties –, voilà que les Y les supplantent démographiquement. En France, la génération Y représente un quart de la population. D’ici à 2020, elle constituera la moitié des actifs. Et 75% à l’échelle mondiale d’ici 2030. « La valeur n’attend pas le nombre des années ». Le pouvoir d’achat, si, aurait pu dire Corneille. À cette génération désormais active, les marques font les yeux doux. Mais comment parler à des consommateurs qui privilégient l’expérience à la possession ? Qui sont davantage sensibles à un post sur Instagram qu’à une affiche 4×3 ? Qui prônent une approche collaborative, éco-responsable et attendent que le produit s’adapte à eux plutôt que l’inverse ?

Influencer les influenceurs
« Plus que jamais, cette génération vote avec sa carte bleue », estime Grégory Casper, Co-auteur avec Eric Briones (dit Darkplanneur) de La génération Y et le luxe (Dunod). « Internet a rendu l’essentiel du savoir humain gratuit. Dès lors, les biens payants se doivent d’être à la hauteur de leur prix. Chaque produit va être analysé avec la rigueur d’un investisseur. C’est au luxe de prouver qu’il est luxe. Le pouvoir a changé de mains », poursuit-il. C’est ainsi que de vénérables institutions ont intégré la sphère des millennials, embrassant de nouveaux paradoxes. La vague du « no-gender » (ou mixité) qui a déferlé dans les collections de mode ces dernières saisons (Berluti, Vivienne Westwood, Paul Smith, Saint Laurent, etc…) en est un parfait exemple. Les millennials ne se définissent plus par leur sexe mais par d’autres valeurs : leur engagement, leur style, leurs amis, leur travail, leur facebook… Ainsi, voir Jaden Smith (le fils de Will, 17 ans) poser en jupe pour une campagne Louis Vuitton n’a rien de choquant ni d’anti-viril. Au contraire. Désormais, l’époque ne s’embarrasse plus avec la binarité. Le défi des marques est de taille. Se moderniser sans perdre son ADN. Opter pour une communication de masse sur les social-medias en conservant un caractère exclusif. Tels Louis Vuitton (encore) qui imagine avec la marque de streetwear Supreme une collection capsule ; Burberry qui communique via Snapchat ou Dolce & Gabbana qui fait défiler sur son podium bloggers, YouTubeurs et autres Instagrammeurs comptabilisant ainsi au total pas loin de 100 millions de followers. Objectif : influencer les « influenceurs ».

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