Hercule Poirot : une affaire de style

Hercule Poirot est de retour au cinéma et il ne manque pas d’allure. Qui a fait le coup ? Monsieur a mené l’enquête.

Keneth Branagh signe le retour d'Hercule Poirot

Ses petites cellules grises ne sont pas tout. Le fameux détective belge (Pas français, Madame, belge…), Hercule Poirot est aussi un élégant. Ainsi l’a voulue Agatha Christie dès son tout premier roman, La Mystérieuse Affaire de Styles, en 1920. Ses moustaches, travaillées et soignées autant que moquées et raillées, font sa fierté. Sa mise est toujours impeccable et recherchées.

Dans la nouvelle version du Crime de l’Orient-Express, en salle aujourd’hui, l’acteur et réalisateur Kenneth Branagh se glisse dans le complet du détective, lui offrant au passage un bon coup de brosse, sans s’écarter des éléments constitutifs du personnage.

Kenneth Branagh and Daisy Ridley star in Twentieth Century Fox’s “Murder on the Orient Express.”

Affable avec les dames, à la limite de l’obséquiosité, il est toujours aussi déterminé. Ses raisonnements sont aussi subtils que les combinaisons de motifs et de matières de ses tenues. Car, même en voyage au cœur de l’Europe à bord de l’Orient-Express, sa garde-robe est impeccable.

Tissus et broderies d’époque

Pour le film, la créatrice et costumière Alexandra Byrne a imaginé et conçu l’ensemble des panoplies. Non seulement celles de Kenneth Branagh, mais aussi de l’ensemble de la distribution de ce long métrage de première classe, filmé à l’ancienne en 70 mm. L’ensemble est épatant et même assez impressionnant puisque la costumière a travaillé avec des étoffes anciennes, des broderies ou des tissus d’époque, et de provenances semblables aux personnages décrits par Agatha Christie dans son roman de 1934.

Des moustaches spectaculaires

Ainsi la veste de cuir, la forme du chapeau et le type de tissus des costumes de la victime, l’antipathique homme d’affaires américain Samuel Ratchett, alias Cassetti, interprété par Johnny Depp, semblent authentiquement venir de Brooklyn, et les robes du soir de la princesse Dragomiroff échappées d’un bal au palais de Tsarskoïé Selo. Mais la recréation la plus formidable est bien sûr celle d’Hercule Poirot lui-même, notamment grâce à des moustaches particulièrement spectaculaires.

Gilet croisé, vestons à revers crantés, souliers à empeigne de daim, Poirot vu par Branagh est à la mode Art Déco. Peinture idéale d’une époque de grands voyages élégants en sleeping de luxe et voitures Pullman douillettes, il fait le choix de s’écarter de l’ironie suggérée par la manière dont Agatha Christie dépeignait son héros, pour le rendre sympathique.

Génial, mais un peu grotesque, Hercule Poirot est réputé être plutôt petit et un peu enrobé. La stature de Kenneth Branagh ne s’y prêtait pas. Il a donc choisi une autre voie. À l’inverse, le truculent Peter Ustinov jouait à merveille de ses rondeurs pour interpréter un Hercule Poirot truculent, rusé et madré.

Truculente et enlevée, l’interprétation de Peter Ustinov reste parmi les plus marquantes

Les trois films, entre 1978 et 1988, n’ont pas conduit le Poirot de Peter Ustinov à mener la fameuse enquête dans l’Orient-Express, mais ont marqué les esprits. Le style des costumes ajoute une dimension particulière à son interprétation en soulignant bien le caractère du personnage. Les tenues tropicales sur le Nil, avec guêtres à petits boutons, culottes de golf et casque colonial, ou l’incroyable costume de bain brodé aux initiales HP, avec bonnet de bain en caoutchouc sont irrésistibles.

Cheveux plaqués à la brillantine

Des tenues qui sont un contrepied au Hercule Poirot joué par Albert Finney dans la remarquable adaptation du Crime de l’Orient-Express de Sidney Lumet en 1974. Méconnaissable avec sa moustache cirée et ses cheveux plaqués à la brillantine (revoir la scène dans laquelle Poirot s’apprête pour la nuit, avec un petit filet pour ne pas défriser ses moustaches, est un délice d’initiés), Albert Finney, plutôt connu dans des rôles de séducteur ou de héros romantique, incarne un Hercule Poirot implacable, autoritaire et méticuleux. Sans doute un peu plus jeune aussi. Le style de ses costumes est des plus stricts, avec un rien de rigidité, et une anglomanie un peu trop appuyée pour ne pas être caricaturale, comme le complet de voyage marron à rayures au col de velours comme un pardessus.

 

Dans la version de Sidney Lumet, en 1974, Albert Finney est un Hercule Poirot implacable et plus jeune.

Quel contraste frappant avec le jeu tout en rondeur du débonnaire Charles Laughton, premier acteur à avoir prêté ses traits au personnage dans Alibi en 1928. L’obsession de Poirot pour l’élégance est essentiellement figurée dans la fleur à la boutonnière, fréquemment mentionnée par Agatha Christie mais négligée par Kenneth Branagh comme par Peter Ustinov ou Albert Finney.

Charles Laughton, le premier visage du détective belge à l’écran en 1928

C’est David Suchet, sans doute le plus célèbre des Hercule Poirot de la télévision, qui remettra en scène la boutonnière fleurie et le col dur, très 1920. Hercule Suchet ou David Poirot – tant le rôle colle à la peau de l’acteur britannique – a été plusieurs fois récompensé pour son interprétation sans interruption pendant 24 ans, de 1989 à 2013. Pour la fleur, un petit vase miniature en argent. Cheveux plaqués, moustache cirée, costumes bien coupés et assez rigides, monocle ou loupe, canne à pommeau, chapeau et gants, bottines à empeigne s’accordent à la démarche à petits pas et à la voix mielleuse. Un modèle du genre.

David Suchet, le plus célèbre Poirot de la télévision

À la manière du détective belge, il fallait donc les réunir tous dans la même pièce pour procéder à l’examen et tenter d’élucider le mystère. De Kenneth Branagh et des autres interprètes du rôle, lequel sera le favori ? En tout cas, comme dans l’Orient-Express, ils sont tous suspects.

Le Crime de l’Orient Express, de et avec Kenneth Branagh, sortie en salle aujourd’hui. 

 

les articles du moment