Des sneakers… monogrammés

Dans la manufacture de souliers Louis Vuitton, la basket est reine. Le malletier la développe de plus en plus, en soignant sa fabrication à la manière de beaux richelieus. Un mélange de savoir-faire traditionnel, d’innovation et de hype  signés Virgil Abloh.

||©T.-H. H. / Nikon Z6||©T.-H. H. / Nikon Z6||©T.-H. H. / Nikon Z6||Les formes sont d'abord réalisées en bois par Gigi, le maître formier de la maison, puis en résine. La découpe du cuir se fait à l'emporte-pièce. Chaque partie sera ensuite cousue sur la tige par de jeunes artisans désireux d'apprendre le métier.

C’est la révolution dans la Manufacture de Souliers Louis Vuitton. Située à Fiesso d’Artico, à quelques kilomètres de Venise, c’est ici que sont fabriquées, depuis sa fondation en 2008, l’ensemble des chaussures de la maison. Avec l’arrivée, il y a deux ans, de Virgil Abloh et de son approche « streetwear » du luxe, les sneakers y sont prépondérantes, affichant une croissance (à 2 chiffres) qui ne se dément pas.

Un nouvel atelier de production est en construction, ce qui fera deux bâtiments sur cinq qui leur seront entièrement dédiés ; les trois autres étant réservés aux souliers formels, aux mocassins et aux chaussures femmes. Il faut dire que le directeur artistique a une telle aura sur la planète mode que chaque nouveau produit qu’il imagine, pour Louis Vuitton ou pour ses autres projets d’ailleurs (Off-White, Ikea…), s’arrache.

Son prédécesseur, Kim Jones, avait déjà donné l’impulsion, en 2014, avec la création notamment de la Run Away, une running devenue emblématique depuis. Mais l’homme qui crée des émeutes chez Ikea va plus loin. « À chaque création, ce sont de véritables défis techniques, racontent sur place les artisans. Cela nous demande un travail constant de recherche et de développement. »

On parle ici en plaisantant du : « Virgil challenge ». Car, quelles que soient ses émanations artistiques, les sneakers répondent en tout point aux codes et standards de qualité du malletier.

La même attention leur est portée que sur n’importe quel autre soulier. Dans la chaîne de production, ils se retrouvent même à côté des mocassins pour la coupe de la peau (à la main) et des souliers chics pour les finitions.

Et comme pour eux, une forme en bois sera réalisée par le maître-formier de la maison, Gigi. « Le moindre millimètre est important pour définir les tailles et le confort du pied, explique-t-il. Sur un même modèle de sneaker, si les matériaux changent (cuir, maille, mesh, plastique, etc.) il faut créer une nouvelle forme. »

Un passage de la 2 D à la 3 D sera complété par le travail des prototypistes. Ce sont eux qui réaliseront la première paire et surtout qui appréhenderont la faisabilité du modèle imaginé par le designer. Si sa sneaker LV Trainer semblait très simple sur le papier, ce sont pourtant pas moins de 94 pièces qui composent la paire.

Rien que la semelle compte 24 parties à assembler comme un puzzle… « Il voulait ça, on a livré ça », disent-ils fièrement, en présentant le modèle. Et on ne parle pas des matériaux qui demandent des innovations permanentes. En témoigne ce plastique Rainbow qui a dû être repensé pour être suffisamment flexible pour une chaussure ou ces fibres optiques permettant au tissu de s’illuminer (LV trainer lighting).

La synergie entre les différents métiers est essentielle. Le « quality lab » apporte, ici, une aide précieuse en contrôlant toutes les chaussures et les matériaux. Flexion des peaux et des tissus, abrasion, tenue de la couleur, chambre thermique… tout y est rigoureusement testé, jusqu’à la simulation de l’exposition solaire notamment pour le fluo, cher à Virgil Abloh et à sa culture nineties.

Seul souci, le fluo s’altère beaucoup à la lumière. Les paires partent ensuite en production. Elles sont alors cousues, assemblées et bichonnées comme tous les richelieus ou mocassins de la maison. Observer ces sneakers colorées et high-tech défiler sur la chaîne de montage et passer entre les mains de ces artisans aguerris donne la sensation d’une rencontre du 3e type oscillant entre la tradition et luxe 4.0.

Louis Vuitton propose même, comme avec ses souliers classiques, les fameuses commandes spéciales. Sauf qu’avec les sneakers, ça se passe sur internet. Nom de code ? Now Yours Run Away. Une customisation de la running est donc accessible via un configurateur en ligne qui permet de choisir les peausseries (veau ou alligator), la couleur des 13 zones de la chaussure mais aussi le marquage des initiales (marquage à chaud ou imprimé par jet d’encre).

Au total, plus d’un milliard de possibilités ! La réalisation s’effectue sur place à Fiesso d’Artico, dans les règles de l’art. Sept semaines plus tard et vos Run Away sont à vos pieds. La culture sneaker est si présente chez Louis Vuitton qu’elle envahit aussi les souliers dits « business ».

« Depuis 2 à 3 ans, il y a une vraie recherche de confort dans nos chaussures », explique-t-on à Fiesso. Une préoccupation que l’on retrouve dans le richelieu LV Formel, construit comme une sneaker. Il est même possible de retirer la première de propreté comme dans une chaussure de sport. De vrais chaussons. Ça tombe bien, on pourra les mettre sous le sapin.

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