y a-t-il des vêtements iconiques français ?

Sa culture de la couture est aussi grande que sa connaissance du style. Le pétillant tailleur Julien Scavini, également chroniqueur, bloggeur, coach à la télévision, répond à vos questions dans chaque numéro.

«Blue jeans, sneakers, denim jacket, OCBD* shirt, baseball cap, tee-shirt, varsity letter, perfecto sont les pièces emblématiques du vestiaire américain reconnus à travers le monde. Quid du vestiaire français ? » Très bonne question, Cher Malcolm Biiga… Après la Seconde Guerre mondiale, ces pièces iconiques sont arrivées en Europe. Elles ont lentement infusé notre garde-robe, la rendant moins rigide, moins formelle, en un mot, plus décontractée. Dans les années 80 et 90, les petits Parisiens faisaient la chasse aux lourdes chemises en Oxford et aux souliers Alden. Marlon Brando, Steve McQueen, Paul Newman, James Dean… autant d’hommes rêvés véhiculant une certaine image de l’American Way of Life. Qu’aurions-nous qui permette à des étrangers de ressentir le même frisson, le même désir, le même rêve de France ?

UNE QUESTION D’ATTITUDE ?

Évidemment, la première des réponses qui vient à l’esprit est le béret. Cette bonne vieille galette de feutre avec une petite queue hirsute fascine autant qu’elle amuse. Associée à une simple baguette de pain, avec pourquoi pas une Citroën 2CV, elle est l’incarnation éternelle du Français. Essayons toutefois d’aller plus loin. La marinière rayée horizontalement constitue une autre élégance nationale. Dans les années 1950, c’est celle des pêcheurs bretons en même temps que des riches Anglais en vacances sur la côte d’Azur. Sa large échancrure sur les épaules apporte un fameux esprit décontracté.

À l’exact opposé de cette image d’Épinal tout à fait populaire, il est certain que de l’étranger, la France est enviée aussi pour sa sophistication. Un mot adoré des Américains qui le mettent à toutes les sauces. Ce qu’ils retiennent de la France, à tort ou à raison, c’est probablement son élégante précision. Le style Dior très affûté, qu’il plaise ou non aux tenanciers du goût edwardien, est un symbole à travers le monde. Intéressons-nous aux pieds par ailleurs. Forte d’éminentes tanneries, notre industrie de la chaussure hexagonale n’a pas à souffrir de la comparaison avec les Anglais. Nos bottiers produisent dès les années 1920 des escarpins aux lignes sculpturales, bien loin des formes rondes londoniennes.

LA FRANCE N’AIME PAS LES CONVENTIONS

Le pied parisien est un pied vaniteux. Il présente une étroite cambrure aux lignes acérées. Nous avons quelques belles institutions qui perpétuent cette allure, Aubercy ou J.M. Weston, Berluti ou encore Corthay. Les belles échoppes aux États-Unis se font un plaisir de proposer ces importations raffinées. Un type en particulier retient mon attention, le derby de ville, à deux œillets, trouvaille assez unique à contre-courant du richelieu anglais. Dès les années 1950, la marque Unic en a fait un des pinacles de l’élégance française. Et en parlant de chaussures, pensons à Repetto, entré dans l’imaginaire populaire grâce à Serge Gainsbourg. Ce pied très fin, au naturel presque, et blanc qui plus est, incarne à l’étranger une part de France, nonchalante et détachée des conventions. Tiens ce mot… il me semble qu’au fond, il est à l’articulation de cette recherche. La France n’aime pas particulièrement les conventions. La voilà, la réponse !

SE JOUER DES STÉRÉOTYPES

Derrière chaque habit américain, il existe une notion de stéréotype. La société américaine marche et avance grâce à la perpétuation de son idéal. Elle adore les icônes. Là où les Américains cultivent et savent jouer des stéréotypes, les Français les fuient. Ils sont le signe d’un ensablement. Ou d’un héritage bourgeois. La démarche n’est tout simplement pas la même. Ce qui est traditionnel ici devient bien vite ringard. Dès lors il me semble difficile d’extraire une longue liste de vêtements iconiques et reconnaissables. Notre idéal au fond,
n’est-ce pas la Révolution ?  


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