L’élégance française connectée

Installé depuis 2015 à deux pas de l’Élysée, ce grand spécialiste de la chemise sur mesure est aussi un passionné du vêtement masculin. D’un tempérament discret, il nous fait pourtant profiter sur Instagram de ses échanges passionnants sur le style avec quelques élégants parisiens.

Daniel Lévy

Pour lui, l’allure tient autant à l’attitude qu’au style. Daniel Lévy a la chance de cumuler les deux. « élégance en soi ses lunettes rondes en écaille. Au mur, au-dessus Difficile d’être élégant, si on n’a pas une », dit-il, l’œil bienveillant derrière de lui, trônent les portraits en noir et blanc de Louis Armstrong et Alfred Hitchcock. « Deux hommes qui ne sont pas parfaits physiquement mais si riches dans leur esprit et leur âme. »

C’est ici, rue du Cirque, que Daniel Lévy reçoit. Une boutique discrète, sans accès direct, faite à son image. Le crédo ? « L’élégance sobre à la française » : comprendre le meilleur de deux mondes entre l’Italie et l’Angleterre. Tout près de l’Élysée et du palace La Réserve, politiques, avocats, stars du petit écran, artistes, sportifs, écrivains – la chemise de BHL, c’est lui ! – « des hommes d’influence qui n’ont plus rien à prouver » viennent y satisfaire leur appétence pour le beau et l’artisanat. Ils y font confectionner leurs chemises, certains leurs costumes, d’autres leurs pulls en cachemire. Mais ils poussent aussi la porte de cette ancienne galerie d’art pour « parler chiffon ». Dominique Farrugia, un habitué, explique très bien dans son livre Elle ne m’a jamais quitté (éd. Robert Laffont) « ce grand plaisir » quand il vient voir « son copain » : « Ça me change des discussions autour du ciné et de la télé, ça me lave la tête et puis j’aime passionnément discuter tissus, encolure, coupe, etc. »

Ceux qui suivent Daniel Lévy sur Instagram le savent : le 3 rue du Cirque n’est pas seulement un salon d’essayage et de prises de mesures. C’est aussi le théâtre de grandes discussions sur le style. Le bottier Pierre Corthay, le musicien Vincent Burgulat, l’expert horloger Laurent Picciotto, l’avocat Pierre Farge, l’écailliste Daniel Bernard…

Le style en ligne

Tous y ont été invités par le maître des lieux pour échanger autour de leur rapport au vêtement. Chaque mois, sur Instagram, le chemisier, que l’on croyait très réservé, nous parle aussi d’art. Mais cette fois c’est à la librairie Lardanchet, située à deux pas, qu’il se met en scène. Avec Thierry Meaudre, le propriétaire, il présente un ouvrage, et à travers lui, l’allure de Slavik, David Hockney, Le Corbusier, Boutet de Monvel… L’Art, Daniel Lévy y est très attaché – peut-être des réminiscences de ses études d’histoire de l’Art ? – mais à condition que la matière soit liée à l’élégance dont il est intarissable. Dans sa boutique, il organise régulièrement des expositions sur l’illustrateur Floc’h par exemple – que nous connaissons bien à Monsieur – ou un photographe comme Daniel Pype. « J’aime que ce lieu vive, que mes vêtements soient habités », explique-t-il dans son costume croisé en flanelle à rayures tennis.

Rien ne le prédestinait au métier de chemisier ni à graviter dans cet univers d’étoffes et d’élégance. Sa mère était libraire, son père agent immobilier. Ce dernier était toujours superbement vêtu. Mais ça, Daniel ne le comprit que plus tard, une fois son œil aguerri.

Installé rue du Cirque depuis 2015, Daniel Lévy propose en mesure des chemises mais aussi quelques vestes sport comme celle ci-dessus, sa réinterprétation d’une veste de travail baptisée la Monsieur Daniel.

Son apprentissage démarre au Brummell – l’ancêtre du Printemps. Étudiant, il y fait quelques extras avant d’être embauché. Le jeune homme vend aux dandys et autres « minets » des costumes Saint Laurent, Dior et Dormeuil. Ça lui plaît. Il atterrit ensuite chez Durfor, qui deviendra Liste Rouge, un spécialiste de la chemise surmesure qui connut ses heures de gloire dans les années 90 avec un showroom place Vendôme. Pendant vingt ans, Daniel accompagnera le développement de cette maison, faisant patiemment ses armes.

En 2015, il lance sa propre aventure et s’installe rue du Cirque. Chez lui, il y a deux façons de concevoir les chemises. La première est mécanisée avec la création d’un patronage informatisé (340 €), la seconde est artisanale avec une intervention manuelle plus poussée (600€). Quel que soit le procédé, il y a toujours une attention scrupuleuse aux détails (nombre de points au centimètre, raccord des rayures, qualité des nacres, etc.).

Curieux, l’homme ne pouvait se contenter que de la chemise stricto sensu. Il propose également la « guayabera », cette liquette d’Amérique du Sud si chère à Hemingway, mais aussi réinterprète la veste de travail, la saharienne ou encore la surchemise. « Des pièces pour être élégant sans être apprêté. » Son offre s’est aussi élargie au costume (en demi-mesure), au pull torsadé en cachemire made in Italy, aux accessoires (écharpes, ceintures, boutons de manchette, etc.) et même aux chemises femme, notamment grâce à sa collaboration avec la designeuse new-yorkaise Michelle Boor. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Daniel n’est pas styliste. « Je ne suis pas là pour donner des leçons de mode. J’accompagne, je conseille en fonction de la personne et de son environnement. » Il essaie aussi de perpétrer et de faire évoluer les savoir-faire, et particulièrement les savoir-faire français puisque toutes ses chemises sont conçues dans l’Hexagone. Une fierté. Et ce n’est pas le coq majestueux, emblème de la maison, qui trône au milieu de son salon, qui dira le contraire.

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