Les collectionneurs d’étoiles

Leur occupation favorite consiste à « faire » les restaurants les plus étoilés de France. Cela exige un bon porte-monnaie, mais sans avoir besoin d’un estomac aussi solide, tant la haute gastronomie est devenue un art d’excellence et de légèreté.

Les couteaux signés Glen Viel

Jean Imbert avec une partie de l’équipe du Plaza Athénée. Crédit photo Plaza Athénée.

Il s’en souvient comme de son premier baiser, sauf qu’il était seul ce jour-là chez Lasserre, avec « l’envie de faire une grande table ». Jean-Maurice Sacré en parle comme d’une expérience amoureuse, dont l’émotion reste intacte. « Le homard grillé au beurre d’oursin de Lasserre, c’est un plaisir primaire, admet-il, mais inoubliable, d’autant plus que j’ai été admis le soir même au Club de la Casserole de ce restaurant alors multi-étoilé, après avoir rédigé mes impressions culinaires ». À chaud, en somme. Et puisque ce plaisir de bouche relève d’un art éphémère, il n’a eu de cesse que de recommencer, au point de transformer sa passion en une véritable addiction. Il ne se déshabille pas pour l’assouvir, bien au contraire, mais enfile costume et cravate afin de « faire honneur à ceux qui travaillent en cuisine, et au personnel qui officie en salle ».

« Je suis heureux à table, c’est ma seconde maison »

Trois fois par mois, au moins, il s’attable dans un grand restaurant. « Ah ! la poularde en vessie du Bristol d’Éric Fréchon, c’est un sommet des cinq sens. En haut de la Samaritaine, Plénitude, avec Arnaud Donckele aux fourneaux, fabuleux, et que des femmes en salle. Et L’Assiette champenoise à Reims, du chef Lallement, un repas époustouflant ». Vous n’allez que dans les trois étoiles, lui demande-t-on, d’un air détaché ? « Non, j’ai été chez Stéphanie Le Quellec, qui n’en a que deux, et dîné chez Jean Imbert, qui n’en a qu’une au Plaza Athénée », rétorque-t-il. À chaque fois, l’ancien trader en matières premières se fait dédicacer les menus, et a même entamé une collection de menus historiques chinés dans des brocantes, au point d’en avoir fait un livre, Invitation à l’Élysée1. Il appartient en outre à l’Académie des gastronomes, 40 membres qui se réunissent chaque troisième mercredi du mois, un cénacle encore plus restreint que le célèbre Club des Cent. Ce qui ne l’empêche pas de fréquenter les bistrots, comme Le Coq & fils, rue Lepic, où il nous confie, l’œil aussi brillant qu’une châtaigne : « Je suis heureux à table, c’est ma seconde maison. Plus qu’un vice, c’est une thérapie, et ma façon de m’accrocher à quelque chose de joyeux dans un monde qui part en vrille ». À 61 ans, mince, marié et père de deux enfants, ce Don Juan des assiettes chérit ses habitudes.

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Thierry Dussard est parti à la recherche des passionnés de gastronomie, de ceux qui ne jurent que par les grands chefs et les tables étoilés. Une enquête aussi passionnante que gourmande à retrouver dans Monsieur N°158, disponible en version digitale.   

 

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