Grosses enchères et petites montres

Les stars des enchères font la renommée des maisons les plus visibles. Derrière les millions, des plus abordables circulent sur un marché ouvert. De quoi se faire plaisir à condition de savoir où l’on met les pieds.

On qualifie parfois les montres de valeur refuge. En effet, certaines pièces de collection voient leurs prix augmenter régulièrement, à tel point qu’on a pu les considérer comme des véhicules d’investissement. Vu la cote des chronographes à quantième annuel ref. 2499 de Patek Philippe ou des variantes exotiques de chronographes Daytona de Rolex, les enchères horlogères sont propices au profit.

Cette impression a été favorisée par les nombreux records atteints en période de crise, entre 2008 et 2014. A la recherche de solutions patrimoniales fiables, liquides et transportables, les collectionneurs ont été rejoints par des investisseurs en mal de sécurité. Alors que les obligations, les matières premières, les actions, l’immobilier et autres placements dégringolaient, la montre de collection s’est trouvée être une échappatoire pertinente pour capitaux en mal de rentabilité.

La facture
Point d’orgue d’une quasi-décennie faite de catalogues épais, nourris par d’innombrables déconvenues personnelles, la vente de la Patek Philippe Super Complication d’Henry Graves Jr. a marqué les esprits. Commandée par le magnat de la finance Henry Graves Jr. en 1925 et terminée sept années plus tard, cette montre de poche a été adjugée 23,23 millions de Francs, commissions comprises, par Sotheby’s Genève en novembre 2014.

L’histoire sous-jacente est cependant édifiante. Le précédent acquéreur, le prince qatari Al-Thani, avait surenchéri jusqu’au montant record de 11 millions de dollars en 1999. Il ne l’avait jamais réglé en intégralité. Celle qui fut la montre portable la plus compliquée du monde pendant plus de 50 ans n’avait jamais quitté les mains de la maison d’enchères.

La fracture
Il y a donc loin de la coupe aux lèvres. Tout d’abord, un nombre très restreint de pièces qui circulent aux enchères sont effectivement des montres de collection. On y trouve en réalité un marché de seconde main très ouvert. Les pièces récentes y sont nombreuses. Les maisons que sont Sotheby’s, Christie’s, Antiquorum, Artcurial ou Dr Crott en Allemagne en ont fait la majeure partie de leurs ventes. C’est dans cette grande sélection que tout un chacun peut se faire plaisir, faire des affaires, voire son beurre si l’on est vendeur. Deux règles de prudence élémentaires s’imposent cependant. Penser à inclure les frais, parfois conséquents, lorsque l’on enchérit. Et surtout, il est plus sage de se concentrer sur des pièces pas trop anciennes, de marques fiables et en bon état pour s’éviter des maux de tête ultérieurs. Les stars, elles, restent intouchables. Elles sont souvent acquises par les marques qui les avaient créées.

La plupart des records sur les marques Breguet, Vacheron Constantin et surtout Patek Philippe résident dans les musées et collections du même nom. L’acheteur final en est souvent désigné pudiquement sous le vocable « une institution ». Il en a été ainsi lors de la très intéressante vente de la collection Dunkel. Les milliers de Swatch amassées sur plus de vingt ans par ce collectionneur luxembourgeois sont parties à l’encan à Hong Kong pour la modique somme de 5,5 millions d’Euros. Quelle entité est susceptible d’être intéressée par la bagatelle de 5 800 Swatch d’un seul coup ?

[ 5 800 Swatch ] amassées en 20 ans, la collection Dunkel est partie pour 5,5 millions d’Euros chez Sotheby’s Hong Kong.
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