La Royal OAK

On ne naît pas icône. On le devient. La première montre de sport en acier signée Audemars Piguet et ses nombreuses déclinaisons prouvent que design et innovations disruptifs sont sources de succès.

On juge l’arbre à ses fruits. Plus de 40 ans après sa création, 113 déclinaisons de la Royal Oak sont disponibles au catalogue. Elles ne constituent que la partie visible d’une production foisonnante au fil du temps. Un flash-back s’impose ! Au début des années 1970, le carnet de commandes d’Audemars Piguet s’essouffle. Georges Golay, son CEO, mandate Gérald Genta pour créer une nouveauté. Le styliste helvétique a rencontré le succès durant les années 1960 en signant notamment le design de l’Omega Constellation. Son coup de crayon inspiré traça en 1971 les lignes de la Royal Oak. Un an plus tard, la manufacture présentait à une presse dubitative et au grand public circonspect la première montre de sport en acier plus chère qu’une montre en or : 3 300 CHF. Une Rolex Submariner s’affichait alors à moins de 500 CHF dans les vitrines genevoises ! Faut-il s’étonner que trois années furent nécessaires pour écouler les 1 000 premières pièces ? Pour la première fois, avec la référence 5402, une montre acier devient une montre de luxe, que l’on peut porter en toutes circonstances, aussi bien avec un costume sur-mesure qu’une tenue plus casual.

Plongée au cœur de la Royal Oak d’Audemars Piguet : sa lunette octogonale, son cadran à guillochage grande tapisserie et aux index luminescents appliqués, son bracelet aux articulations confortables ou sa réserve de marche de 40 heures, garantie par son long ressort de remontage, sont parmi les éléments distinctifs de cette montre sport et chic créée il y a plus de 40 ans, et alors en avance sur son temps.

Une boîte sculpturale
Un document officiel de l’US Patent donne une description précise du nouveau boîtier étanche et de sa construction singulière qui est définie comme simple ! Pour parvenir à ce résultat, Gérald Genta a combiné de nombreuses innovations. La lunette octogonale est vissée à l’aide de 8 vis hexagonales à un boîtier usiné d’un seul bloc en acier, carrure et fond, pour améliorer l’étanchéité. Le bracelet dessiné par la manufacture Gay Frères, est parfaitement intégré à ce boîtier. L’un ne va sans l’autre. Sa structure en mailles très fines épouse idéalement tous les poignets. L’ensemble alterne biseautage et brossage. Deux-cent cinquante opérations sont nécessaires pour la réalisation de la boîte à pans octogonaux. Sur le cadran, le designer opte pour un guilloché au motif tapisserie, une grande première ! Plus qu’un simple cadran, ce sera l’une des signatures de la collection. Le calibre 2121 très plat (3,05 mm) permet une belle finesse au boîtier, 7 mm d’épaisseur. Pourtant, elle est surnommée « Jumbo » de par son diamètre de 39 mm. Une hérésie en 1972, les montres ne dépassaient que rarement les 36 mm. « La simplicité est la sophistication suprême », dixit Leonard de Vinci. Quand on découvre la Royal Oak, on ne peut qu’approuver.

En 1974, influenceur bien avant ceux des réseaux sociaux, l’homme d’affaires Giovanni Agnelli fait la mode avec une Royal Oak au poignet. Il suscite la curiosité et déclenche les pulsions d’achat. La montre rencontre enfin le succès commercial. Dans les années 1980, Audemars Piguet y intègre des fonctions et complications. La Royal Oak devient alors une vraie collection. En 1983, une Day-Date et une Phase de Lune voient le jour. Elle sera suivie en 1986 par une version squelette, puis en 1989 par une Dual Time. En 1993, la manufacture du Brassus lance une version chronographe nettement plus massive. Les 43 mm du diamètre de la boîte détonnent une fois de plus dans le paysage horloger. La collection Offshore était née. Ce garde-temps bodybuildé sera décliné par la suite dans plus de 150 versions. La Royal Oak chronographe (réf. 25860 ST) célèbre cette année ses 20 ans avec la réf. 26331 et une large variété de finitions. Depuis 1997, ce modèle est irrémédiablement associé à Garry Kasparov. Le maître portait sa montre durant les tournois, la posait à proximité de l’échiquier durant une partie, le temps de déployer sa tactique. Une fois l’adversaire désarçonné, il remettait son précieux garde-temps au poignet. Dans les années 2000, la haute horlogerie trouve avec la Royal Oak un nouveau champ d’expression. Tourbillon dans une boîte en or rose, calendrier perpétuel, équation du temps, concept watch avec des matériaux high-tech, se succèdent. L’exception devient la règle ! Malgré tout, depuis sa création, la Royal Oak n’a cessé d’être produite presque à l’identique. En 2005, une référence inédite, la 15300, adopte un nouveau calibre 3120. Au programme : une seconde centrale, des index et des aiguilles facettées pour optimiser la lisibilité. Et pour améliorer l’étanchéité qui reste toujours de 50 mètres, la couronne de remontoir est désormais vissée. Elle gagne aussi un fond saphir, lequel dévoile les rouages du calibre et ses décorations faites à la main. Aujourd’hui, la réf. 15202 avec ses 8,1 m d’épaisseur et ses 39 mm de diamètre perpétue le mythe de la 5402. Même son calibre automatique reste identique, puisqu’il s’agit de l’indétrônable 2121, présente dès 1972 !

 

Une valeur sûre
Audemars Piguet a la bonne idée d’imposer une numérotation simple pour suivre sa production. La lecture du catalogue de vente organisée la même année par Antiquorum à l’occasion des 40 ans de la montre, la détaille avec précision. Les premières montres portent la référence 5402 A. Celle-ci fut fabriquée à 2 000 exemplaires entre 1972 et 1974 et numérotée A01-2000. La série B (réf. 5402 ST B) démarra en 1974 et se termina en 1975, numérotée B1001-2000. Quant à la série C (réf. 5402 ST C), elle débuta fort logiquement juste après. Pour les différencier visuellement, seule la série A et environ la moitié des pièces produites pour la série B affichent le logo AP à 6 heures, et tout en bas la mention swiss et non swiss made.

Ces pièces constituent le Graal des collectionneurs. Les premiers cadrans se patinent avec les années. Chaque montre se personnalise et devient unique. Quant au prix d’une Royal Oak ? Lors de la vente organisée par Artcurial, le 2 juin 2017, un modèle de 1990 trouva acquéreur pour 7 800 €, une City of Sails (réf. 25979 ST) de 2003 a été adjugée 16 900 €. En 2012, Alain Delon met en vente sa collection. Parmi les références, une Royal Oak Jumbo en acier avec cadran ardoise et index rapportés. Alors estimée entre 2 500 et 3 000 €, elle fut adjugée à 55 000 €… Plus qu’une simple anecdote, ces résultats soulignent l’engouement inextinguible pour la Royal Oak.

Chronologie de la Royal OAK

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AVIS D’EXPERTS

Quels sont les modèles de RO les plus recherchés ?
Geoffroy Ader : Le modèle le plus recherché reste la toute première série appelée « Série A » facilement reconnaissable avec le logo « AP » à 6 heures. Il y a aussi les variantes avec les cadrans dit « tropical» ou celles des personnalités et évènements phares : Jay Z, Lionel Messi, Shaquill O’ Neil, Allinghi.
Antoine de Macedo : Depuis 1972, il y a eu beaucoup de versions. Les références les plus recherchées demeurent celles des années 1970, les 5402 des séries A, B, C et D. Elles sont facilement identifiables, leur numéro est gravé au dos ! Les Kasparov, les chronographes Royal Oak, le sont tout autant. La contrefaçon sur ces pièces est importante. Il faut donc être prudent. On trouve de belles copies en Asie.

Quelle est la demande actuelle sur le marché de l’occasion selon les références ?
Geoffroy Ader : La demande actuelle est forte, mais je pense que le potentiel de la marque est beaucoup plus important dans les années à venir, après l’ouverture prochaine du Musée Audemars Piguet. Le patrimoine de la manufacture est tellement riche. Il faut que les collectionneurs soient conscients de la force de cette marque Suisse.
Antoine de Macedo : Les premières références sont convoitées car les 5402 ont été produites à moins de 4 000 exemplaires. Il y a beaucoup de délai d’attente car peu d’exemplaires passent en boutique. A défaut, on peut se tourner vers des modèles des années 1980 en 36 mm, fines et très élégantes.

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