On veut nous faire avaler la pilule !

Des scientifiques découvrent qu’en bloquant l’interaction entre deux protéines, le mâle devient stérile. La pilule pour homme, c’est pour demain. Enfin, à condition que nous réagissions comme les souris.

Et si c’était ça, l’égalité entre les sexes ? La pilule pour les hommes, casse-tête des labos depuis cinquante ans, repointe le bout de son nez. En 2012, souvenez-vous les chercheurs de l’Institut du cancer Dana-Farber, à Boston, semblaient sûrs de leur coup. Ils avaient découvert une molécule, baptisée JQ1, capable de produire « une diminution rapide et réversible du nombre et de la mobilité des spermatozoïdes », sans altérer la libido. En clair, nous continuions d’être des amants exceptionnels, seulement nos spermatozoïdes frétillaient moins et la taille de nos testicules diminuait de moitié, ce qui devait suffire à gommer notre fertilité pendant un laps de temps (les boules, quand même !). L’opération ne portait pas atteinte à nos hormones mâles : nous gardions nos voix de crooners, nos biceps rebondis et notre moustache de cow-boy. Ouf.

Récemment, des chercheurs du Centre de recherche en cancérologie de Marseille ont découvert par hasard le moyen de bloquer la maturation des spermatozoïdes. Alors qu’ils faisaient des recherches sur la leucémie, ils ont remarqué qu’en empêchant l’interaction entre deux protéines (JAM-C et GRASP55), le mâle (souris) devenait stérile. Une piste prometteuse donc…

« Oups, chérie, j’ai oublié ma pilule »

C’est drôle. La mise sur le marché des pilules contraceptives, dans les années 60 (1967 en France), fut considérée comme une victoire pour les femmes, une grande conquête de leur émancipation. Elles allaient enfin pouvoir prendre le contrôle des naissances et « disposer de leur corps » – tant pis pour les effets secondaires, ces petits inconvénients aléatoires, les migraines, les kilos en trop et la libido capricieuse. Mais dès que l’on évoque la pilule masculine, on sent comme une gène, on entend un air de j’aimerais-mieux-pas.

Certes, les dernières études disent toutes à peu près la même chose : entre 50 % et 60 % des hommes se disent prêts à prendre une pilule contraceptive. Mais quels comportements adopteront-ils lorsque le médicament sera réellement mis en vente ? En d’autres termes, sommes-nous prêt à un jour prononcer cette phrase : « Oups, chérie, j’ai oublié ma pilule » ?

Des préservatifs à la vasectomie

En plus du préservatif, il existe déjà des alternatives pour neutraliser la production de spermatozoïdes, mais elles sont très peu utilisées. Il faut dire qu’aucune n’est motivante. Par exemple, un médicament arrive à bloquer l’éjaculation. Bof. La vasectomie rend l’homme stérile grâce à une opération chirurgicale qui ferme les canaux transportant les spermatozoïdes. Irréversible. Enfin, des traitements sont capables de réduire les hormones de la reproduction, mais ils réduisent également la testostérone. Pour le dire crûment, c’est une forme de castration chimique. Aïe !

Alors, une révolution, la JQ1 ? Et quid de la découverte des scientifiques marseillais ?  À l’heure actuelle, rien n’a encore été testée sur les hommes et il n’est pas sûr que nous ayons les mêmes réactions que les souris. Mais les scientifiques lui réservent un accueil optimiste. Reste à savoir si les femmes seraient prêtes à partager leur quasi-monopole sur le contrôle des naissances. « Cela permettra au couple de choisir son mode de fonctionnement, conclut Pierre Ray, biologiste et généticien. Puisque chacun pourra contrôler quand il veut féconder ou être fécondable ». Bref, vous ne serez plus jamais papa par hasard.

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