LA FORCE DU POIGNET

Quand les boutons de manchette redeviennent une signature sociale et soulignent la personnalité, le commerce mondial de ces bijoux masculins reprend des couleurs. Plus qu’un phénomène de mode.

La génération de leurs pères avait fait une allergie aux boutons. Les jeunes élégants boudant la cravate les redécouvrent. Les boutons de manchette font une nouvelle poussée de croissance. Jugés peu pratiques par les baby-boomers, adeptes de la facilité, ils étaient relégués aux cérémonies. Quelques esthètes n’en démordaient pas : la chemise de ville élégante ne pouvait se passer de ces quelques grammes de raffinement, indispensables à la fermeture du poignet quand les extrémités étaient dures. La fin des poignets amidonnés, dans les années 30, ne sonne pas le glas puisque les chemisiers trouvent la parade : le poignet mousquetaire.

TELLEMENT PLUS PRATIQUE 

Les années 60 détrônent les « French Cuffs », selon l’expression anglaise avec la popularisation des chemises aux simples boutonnages. « Tellement plus pratiques », s’écrie alors le cadre supérieur en retard qui n’en peut plus de batailler avec la chaînette ou de chercher sous le lit la partie en fuite de la paire. Il faudra la fantaisie des Anglais pour relancer le bouton de manchette dans les années 80. Avec humour, bien sûr. Typés selon les passions masculines : têtes d’animaux, voitures de course, balles de golf, vanités… il y en a pour tous les goûts.

En France, les petites boules de passementerie, mises en vedette par des maisons de référence comme Charvet, Arnys ou Alain Figaret, permettent à la chemise mousquetaire de renouer avec le succès. Car les deux vont de pair et sont toujours étroitement associés en affaire. Avec le recul de la cravate, les accessoires sont en effet aujourd’hui dans l’œil du cyclone de la bataille économique dans le secteur de l’habillement masculin, en lien direct avec celui de la chemiserie.

3,3 MILLIARDS DE DOLLARS 

Certaines marques l’ont bien compris et ont redressé de manière significative leur activité dans ce sens en proposant des lignes citadines spécifiques avec des poignets mousquetaires, notamment Ralph Lauren, Hackett, Calvin Klein, Tommy Hilfiger, Levi’s, ou Kenneth Cole. Dès lors, le marché global des boutons de manchette a progressé de 13 % ces 3 dernières années. Selon une récente étude de l’organisme indépendant Technavio, il atteindrait actuellement 3,3 milliards de dollars ! Selon ces analystes, il devrait grossir encore pour atteindre 5,7 milliards de dollars en 2021… Il ne cesse de croître en volume comme en valeur, notamment par le segment haut-de-gamme (au-delà de 150 €) qui représente plus des deux tiers du marché mondial.

SIGNE DE RAFFINEMENT

Les principaux acteurs étant Cartier, Louis Vuitton, Montblanc, Paul Smith et Tiffany. Un marché très fragmenté, bien sûr, entre d’un côté les boutons de manchette de luxe, signés de grandes maisons ou de joailliers, et les modèles simples et très accessibles. Le mot « fantaisie » ne convient pas tout-à-fait puisque de plus en plus de créations des grands faiseurs sont humoristiques ou symboliques afin de traduire les territoires de passion de celui qui les portent. Pour un jeune cadre de la nouvelle économie récemment promu, plus question de se passer la cravate au cou. Mais des boutons de manchette significatifs de son nouveau statut, il faut voir. Pour être bien vu. Signe de raffinement, le bouton de manchette véhicule un code social très affirmé tandis que sa forme, en adoptant toutes les apparences, permet de varier le curseur, du plus détendu au plus formel.

Même sur certains habits traditionnels, notamment l’abaya au Moyen-Orient, le bouton de manchette est bijou et signe distinctif. Idem pour le déjeuner dominical chez belle-maman : une jolie chemise avec de beaux boutons de manchette embourgeoise parfaitement une paire de jeans. Pour les stylistes et les maisons, c’est une voie nouvelle de développement du marché. Voilà donc sauvé cet accessoire si attachant.

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