YASUTO KAMOSHITA : LE KING OF COOL JAPONAIS

Peu connu en France hormis des initiés, il a pourtant transformé le prêt-à-porter masculin japonais. Sa vision du style ? Entre la Ivy League américaine et la sartoria italienne. Résolument décontracté.

Vous ne le connaissez pas forcément, mais peut-être avez-vous déjà lu Camoshita (avec un « c ») sur une étiquette ou « Camoshita by United Arrows ». Fondateur en 1989, avec deux amis, du concept store United Arrows qui compte aujourd’hui une trentaine de magasins au Japon, Yasuto Kamoshita est l’une des personnalités les plus respectées de l’univers masculin japonais. En France, seuls les initiés au look pointu le connaissent et raffolent de ses créations.

Non content de visiter usines et ateliers partout en Italie depuis des années pour y dénicher les pièces adaptées à chaque boutique, il a su faire évoluer, à travers sa propre marque créée en 2007 (Camoshita), une vision très personnelle du style. Un subtil mélange d’influences italiennes et américaines porté par un regard typiquement japonais.

CULTURE DU DÉTAIL

Après avoir suivi des cours d’architecture et obtenu son diplôme à l’université des Beaux-Arts de Tama, Yasuto Kamoshita commence à travailler dans la vente chez Beams, la célèbre chaîne de magasins japonaise. Passionné par le produit, il constate rapidement que les achats l’intéressent au moins autant, sinon plus, que la vente.

Seule solution : cumuler les deux rôles et marcher dans les pas des acheteurs en place. Dès cette époque, Yasuto Kamoshita comprend que les Japonais ne sont pas prêts à se contenter d’un ou deux fournisseurs référents, qu’ils veulent composer leur propre style. Il sait que leur culture du détail les conduit souvent à comparer les pièces et à acquérir une forme de savoir expérimental. Il mesure qu’en raison de leur insularité, ils sont naturellement portés à rechercher dans ce qu’ils achètent une forme de pérennité.

Ses influences sont diverses : le style Ivy tout d’abord, mis en lumière par le projet Take Ivy en 1965 et par des magazines comme Popeye ; le workwear (l’Amérique, encore), mais aussi, plus proche de nous, la sartoria italienne (n’oublions pas qu’il fut le premier à introduire Attolini et Kiton dans son pays). Sa philosophie du vêtement ? Cool, classique sans être ennuyeux, de bon goût avec un soupçon de décalage, l’essentiel étant de bannir les produits de mauvaise qualité et de respecter les usages, toute forme d’excentricité mise à part.

LA SOCIABILITÉ DU COSTUME

Camoshita conjugue coupes habillées et matières déconcertantes (cotons texturés, seersuckers dans des coloris introuvables, tissus gaufrés), imprimés aux tons justes, pièces sport (une marinière, un jean blanc, une veste à carreaux déstructurée, la plupart réalisés au Japon).

Si les ensembles sont parfaitement coordonnés (tant en termes de matières que de couleurs), l’idée n’est pas de vendre des silhouettes complètes mais de proposer des pièces que pourront s’approprier sans peine les clients de la marque afin d’exprimer leur propre personnalité.

L’avenir, Monsieur Kamoshita le voit vers moins de formalisme. Loin de croire à la mort du costume, il imagine pour celui-ci de nouveaux usages, une nouvelle forme de socialité qui ne passe pas nécessairement par la contrainte de l’uniforme. Au cœur des enjeux : l’envie.

« On peut avoir envie de porter un costume pour sortir, pour prendre un verre, mais, dans ce cas, on ne portera pas forcément le même costume que le traditionnel costume gris ou bleu affiché au bureau », explique-t-il.

Mettre en avant une offre décomplexée, rajeunie, permettant de renouer avec le rôle premier du costume : la sociabilité, afin de séduire une clientèle plus jeune, la recette a-t-elle des chances de fonctionner hors du Japon ? Conçu comme un laboratoire, Camoshita n’a pas vocation à bouleverser les codes.

La marque n’en demeure pas moins une excellente source d’inspiration, et un exemple à méditer.

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