3 jours d’un élégant à Edimbourg

Partez à la chasse aux belles matières et aux coupes bespoke dans la plus spectaculaire des villes écossaises. Cachemire, tartan, tweed… Le meilleur du made in scotland sélectionné par Monsieur.

Se glisser dans un pull en laine shetland, se couvrir d’un imperméable Macintosh, puis s’enfoncer dans la brume. À Édimbourg, les choix vestimentaires sont dictés par la météo. Ce qui n’empêche pas les hommes d’être élégants. Il faut dire que les Écossais partent avec un avantage non négligeable : leur pays compte quelques-unes des plus belles filatures de la planète. Les marques de luxe du monde entier se disputent leur Harris Tweed, leur cachemire de Hawic (prononcez Hoïc) et leur tartan des Highlands punk et aristo à la fois. Édimbourg ne manque pas d’adresses qui savent transformer ces merveilles en pièces hautement wearable.


1er jour : Vieille Ville

Walker Slater

Walker Slater
20 Victoria Street
En un quart de siècle, ce gentlemen’s outfitter s’est taillé une solide réputation dans la confection de costumes en tweed aux allures vintage (à partir de 370 £ en prêt-à-porter ou dès 750 £ made-to-measure, avec thermocollage partiel, compter six semaines). Walker Slater propose aussi tout l’attirail du « Scottish chap ascendant dandy », des portebretelles aux flasques recouvertes de Harris Tweed. Best-sellers de la maison : les costumes trois-pièces en donegal vert mousse et les vestes de cheval en lovat mill tweed. « En Écosse, même les hommes qui travaillent dans la finance s’habillent en tweed. Ce serait impensable à la City de Londres, où l’uniforme en vigueur reste le costume en laine peignée bleu nuit ! », assure un vendeur. L’enseigne livre aussi une belle interprétation du balmacaan, ce manteau ample en tweed à manche raglan. Sponsor du Harris Tweed Bike Ride entre Glasgow et Édimbourg, fournisseur officiel de la Scottish Football Association, Walker Slater compte ouvrir une boutique à Paris en 2018, qui s’ajoutera à ses quatre adresses britanniques.

Fabhatrix
13 Cowgatehead
La panoplie du parfait Scotsman n’est pas complète sans « flat cap » (casquette à visière plate, aussi appelée « bunnet » à Édimbourg). Chez ce chapelier ouvert en 2002, le choix des matières est vaste. Vous pouvez aussi apporter votre propre tissu, la maison se chargera de le transformer en couvre-chef à vos mesures (80 £). L’adresse a dernièrement éveillé la curiosité du Prince Charles lors d’une de ses fréquentes virées en Écosse. Le prétendant au trône britannique y a déniché un cadeau pour Camilla : un chapeau composé de bouts de tweed provenant de 12 vestes second-hand différentes. Un parfait exemple de upcycling (revaloriser en recyclant) cher au plus écolo de la famille royale.

 

W Armstrong & Son

W Armstrong & Son
83 Grassmarket
Le vrai cachemire se bonifie avec l’âge. Raison de plus pour l’acheter déjà porté. Chez W Armstrong & Son, la Rolls des laines se décline dans toutes les teintes, souvent pour un 1/10e du prix du neuf. Autoproclamé « Great Britain’s largest vintage clothing emporium », l’enseigne est aussi la référence en kilts second hand, dont certains modèle – parfois bespoke – ont plus d’un demi-siècle (55 à 75 £). Les initiés les choisissent à l’oeil, au toucher et au poids (plus un kilt est lourd et plus il est de qualité : cela signifie que les plis sont profonds et le tissu épais). Les amateurs de tweed ancien seront séduits par les vestes portées traditionnellement avec le kilt, de préférence en lovat green (vert tirant vers le bleu). Rien de tel pour se fondre dans les paysages sauvages des Highlands ! Les plus beaux modèles arborent des boutons en bois de cerf. Sorti de son contexte, ce vêtement court doté d’épaulettes peut cependant sembler un brin folklorique.

Canongate Jerseys & crafts
164-166 Canongate
Depuis 35 ans, cette adresse détonne parmi les attrape-touristes spécialistes en écosseries cheap qui pullulent dans cette partie d’Édimbourg. Tricotés main, ses épais pulls en laine écossaise ne font aucune concession aux caprices de la mode. La maison emploie quatre tricoteuses qui s’appliquent à reproduire religieusement des motifs celtes et pictes (commandes sur-mesure possibles). L’achat indispensable pour une journée frisquette au bord du Loch Ness ! Suggestion d’accompagnement : un single cask, acquis dans la boutique voisine, qui se trouve être le meilleur whisky store de la ville (Cadenhead’s).


2jour : New Town

21st Century Kilts

21st Century Kilts
48 Thistle Street
Tout Écossais fier de ses origines possède au moins un kilt. Même s’il ne le porte que le jour de son mariage, une vingtaine de kiltmakers se font un plaisir de s’occuper de lui à Édimbourg. Pourquoi avoir opté pour le plus médiatique d’entre eux ? Parce que Howie Nicholsby, descendant d’une lignée de tailleurs juifs, fait swinguer comme personne ce petit monde un brin suranné. Et ce, sans déroger aux exigences du bespoke. À ses débuts, le bouillonnant trentenaire prenait un malin plaisir à titiller l’édim-bourgeoisie avec ses kilts en vinyle rose. Aujourd’hui, ses surprises se logent dans les détails. À la place du traditionnel sporran (sacoche en cuir ou en peau de phoque) Nicholsby a imaginé une ceinture large en cuir avec des poches à l’avant (pour iPhone par exemple). « Pour donner aux hommes l’envie de s’habiller en kilt, il faut le rendre fonctionnel », lance celui qui compte parmi ses clients Albert de Monaco, Richard Branson et Robbie Williams. La maison produit une dizaine de kilts sur-mesure par semaine (650 à 2 500 £, environ 12 semaines de délai). Comment reconnaître un kilt de qualité ? « À son mouvement : il doit se balancer quand on marche. Les femmes en sont dingues », assure le spécialiste. Son fameux swing, le kilt le devrait surtout au savant pliage de son tissu (7,3 mètres précisément). Reste LA question : l’Ecossais est-il vraiment nude sous sa jupette ? Pour lever le voile, le maître des lieux laisse entrevoir un bout de son boxer short. Un mythe s’écroule.

Gamefish
4 Howe Street
La pêche au saumon attire des milliers de touristes tous les ans en Écosse. Pour des vacances halieutiques réussies, une visite dans la Mecque du fly fisher s’impose. Ouvert en 2002, Gamefish propose tout l’attirail pour rendre l’expérience inoubliable, jusqu’aux mouches artificielles handmade in Scotland. Comptez jusqu’à 600 £ pour un permis de pêche dans certains des meilleurs spots de la rivière Tweed, à une heure au sud d’Édimbourg (et n’oubliez pas la flasque de single malt pour vous tenir chaud dans vos cuissardes Barbour).

Brotique
39 Queen Street
L’hipsterisation d’Édimbourg est en marche. Ouvert l’année dernière en plein quartiers chics, « ce mini men’s department store » l’atteste. Son principal mérite ? Proposer la plus large sélection de produits de soins pour barbe au monde (23 marques en tout). On aime aussi ses trousses de toilette en authentique Harris tweed.

John Dickson & son
21 Frederick Street
L’ouverture de la chasse à la grouse, le 12 août, est le point d’orgue de l’année écossaise. Ce jour ne s’appelle pas pour rien The Glorious Twelve. Traquer l’évasif oiseau sauvage à travers la lande fouettée par les vents excite les amateurs de défis. John Dickson & Son leur fournit depuis bientôt 200 ans des bespoke guns. Rien de tel qu’un fusil sur-mesure pour ajouter une grouse à son tableau de chasse ! Choix du bois, de la longueur de la crosse, gravure… Tout est personnalisable. À condition de s’armer de patience : il faut jusqu’à deux ans pour fabriquer un modèle haut-degamme dans les ateliers de la maison dans le nord de l’Écosse (à partir de 37 000 £, une bagatelle comparée aux prix facturés par son célèbre concurrent londonien Puredy). Selon les carnets de commande du XIXe siècle que nous avons pu consulter, la reine Victoria a compté parmi les clients de la maison.

Brora
48 Frederick Street
La plupart des magasins spécialisés en cachemire écossais se concentrent près du château médiéval. Les offres y sont alléchantes, mais la qualité laisse parfois à désirer. À l’écart des sentiers battus touristiques, la marque Brora s’est fait un nom depuis 1993 grâce à ses pulls fabriqués dans la plus vieille filature écossaise de cachemire, Johnstons of Elgin. Gage de qualité, seuls les poils les plus longs y sont utilisés (plus les poils sont courts et plus le cachemire peluche). Chaque couleur est un mélange de plusieurs teintes, ce qui explique la profondeur chromatique de chaque pièce (dès 249 £). Tous les modèles sont finis à la main. En guise de service après-vente, la maison emploie un réparateur qui raccommode d’éventuels trous avec une précision frisant la perfection.

Peter Johnston

Peter Johnston
40 Queen Street
Welcome chez le seul tailleur bespoke formé à Savile Row que compte la ville. Exresponsable du design chez Dunhill, l’Écossais Peter Johnston a posé ses ciseaux il y a 11 ans dans un imposant hôtel particulier où défilent les « high net worth individuals » (le terme politiquement correct pour désigner les « riches »), pour reprendre sa tournure. Dans son vaste salon, une enfilade de bustes Stockman bombe fièrement le torse sous des blazers en cachemire réalisés à la main. Visite by appointment only. Style maison : épaule naturelle, ligne slim, légèrement serrée à la taille, flatteuse pour les pectoraux et la silhouette en général. Les hommes d’affaires et les footballeurs locaux apprécient. Cela fait longtemps que Johnston ne manie plus ni fil ni aiguille, ses tailleurs sont là pour ça. En businessman avisé, il se rend deux fois par an à Washington et à New York. La clientèle transatlantique a un faible pour le British bespoke. La maison compte aussi sa propre ligne de prêt-à-porter, distribuée exclusivement au Japon. Dès 2 800 £ plus TVA pour un costume deux pièces, compter environ 12 semaines.

Stewart Christie & Co

Stewart Christie & Co
63 Queen Street
La devanture discrète cache bien son jeu : c’est bien ici que se rend une partie de la gentry écossaise pour se faire faire des costumes en tweed et autres accoutrements sur-mesure pour « aristo-farmer ». Fondée en 1720, la deuxième plus vieille société d’Édimbourg a été rachetée récemment par trois jeunes amis qui ont aussitôt entrepris de la dépoussiérer. Sans la dénaturer. Leur nouvelle ligne prêt-à-porter made in Great-Britain en témoigne : des costumes aux manteaux, en passant par les cravates, les chapeaux et les ceintures, aucun élément ne dépareillerait dans une country estate. La maison continue aussi de proposer un service bespoke (à partir de 1 450 £ le costume, 8 à 12 semaines de délai). La plupart des clients optent pour du tweed, tradition oblige, de préférence en laine peignée 400 g.


3jour : Stockbridge et banlieue

Dick’s
3 NW Circus Place
Bienvenue chez le Colette des « néo-frugaux », ouvert en 2012 par un journaliste et une photographe londoniens. La sélection allie normcore et belles matières : trenchs Macintosh, écharpes Begg & Co en cachemire peigné au chardon, pulls en laine griffés Harley of Scotland (aux magnifiques teintes vertes et bleues), derbys Tricker’s, blouson Baracuta G9 (celui de Steve McQueen)… Des grands classiques britanniques, solides et intemporels. L’idée du magasin est née d’une frustration : « Il y a quelques années, mon mari cherchait un pull en laine shetland, tout simple, sans motif folklorique. Il n’en trouvait nulle part à Édimbourg. On s’était dit qu’il y avait là une place à prendre », se rappelle la co-fondatrice.

Kestin Hare
46 Saint Stephen Street
Lancée en 2014 par le designer écossais Kestin Hare, cette marque de prêt-à-porter pour homme crée le buzz outre-Manche. Jolies matières, citations rétro, motifs inspirés de David Hockney… Un air de collection croisière et d’insouciance fifties, imaginé à Édimbourg et fabriqué (en grande partie) à Londres et à Manchester. La maison s’est fait connaître récemment par le grand public pour sa collaboration avec Marks & Spencer.

Benjamin’s
68 Henderson Road
L’Écossais archétypal est forcément barbu. Du moins dans notre imaginaire collectif. L’Édimbourgeois élégant, en bon Lowlander, se préfère, lui, rasé de près (à moins d’être hipster). Par exemple chez Benjamin’s, barber shop aux allures vintage ouvert en 2013 dans le quartier de Stockbridge, épicentre local de la hype. On y croise aussi bien des avocats que des skaters, mordus de coupe-choux et de coupes « neat and styled » (soignées et stylées) pour reprendre la formule du jeune maître des lieux. Rasage 25 £, coupe 18 £.

Mackenzie
Unit 3, Albion Business Centre
Il fut un temps où Édimbourg, comme Londres, grouillait d’artisans de l’élégance. Bottiers, tailleurs, maroquiniers ou orfèvres rivalisaient d’audace pour surprendre une clientèle aristocratique en quête de raffinement extrême. À Londres, l’héritage a survécu. Pas à Édimbourg. En matière d’artisanat du cuir, il ne reste qu’un seul maroquinier. Créé dans les Îles Aran en 2001, Mac-Kenzie travaille aujourd’hui dans un minuscule atelier dans la banlieue d’Édimbourg. Spécialité de ce one-man-work-shop : serviettes et Gladstone bags (sacoches de voyage rigides tout droit sorties d’un roman victorien) en cuir épais. Faits main, bien entendu. Les allergiques aux valises à roulettes exulteront – à condition d’avoir une carrure d’athlète, vu le poids du cuir (de première qualité). À partir de 450 £ la Gladstone bag. La vente se fait via Internet ([email protected]) ou directement à l’atelier. Voyage dans le temps garanti.

The Bruntsflield Link
32 Barnton Avenue
Berceau historique du golf, la région d’Édimbourg continue à vivre au rythme du swing. Ses 22 parcours savamment entretenus déroulent leur tapis vert dans des décors à couper le souffle, sous des ciels majestueux, face à la mer. Plus vivifiant qu’une thalasso à l’Île de Ré, la green therapy écossaise a guéri plus d’un citadin du spleen. Les Écossais jouent par tous les temps, même quand il neige, avec des balles jaunes et rouges. Notre club favori : le Bruntsflield Link, prestigieux 18 trous où s’est déroulée la première partie de golf de l’histoire, en 1456. Incroyable mais vrai. Non-membres bienvenus, à 10 minutes du centre en taxi.


PRATIQUE
• Où se restaurer ?

The Pompadour
au waldorf astoria
Princes Street
Dîner avec vue sur le château d’Édimbourg. Sous la tutelle des chefs étoilés londoniens Chris et Jeff Galvin, ce restaurant gastronomique propose des mets raffinés (dont la fameuse grouse), sourcés de préférence en Écosse. Service digne d’un hôtel cinq étoiles, cadre fastueux

The Honours
58 a North Castle Street
Adresse bis du chef étoilé Martin Wishart, cette néobrasserie est un hommage aux saveurs écossaises : coquilles Saint-Jacques pêchées aux Orcades, crabes du Loch Fyne, boeuf Donald Russel…Le tout cuisiné avec des techniques héritées de la cuisine bistrotière française. Smashing ! Très prisé par les milieux des affaires édimbourgeois.

Wedgwood
267 Cannongate
Impossible de quitter l’Écosse sans avoir goûté à la spécialité locale : le haggis ou panse de brebis farcie. Chez Wedgwood, élu Scottish Best Restaurant of the Year, place à un haggis unique au monde, à base de cochon d’Inde, d’écureuil ou de pigeon, selon l’humeur du chef. Too shocking ? La carte liste des propositions plus consensuelles. Du moins à première vue. Les boulettes de viande se révèlent être au buffle d’eau et la salade verte composée d’herbes folles glanées dans les environs d’Édimbourg. Vivifiant.

• Où dormir ?

Nira Caledonia
6, Gloucester Place
Après une journée à arpenter les ruelles pavées d’Édimbourg, quel plaisir de retrouver sa propre suite avec jardin, dans ce boutique hôtel cinq étoiles à l’écart de la foule. Prendre le thé les pieds dans l’herbe, entouré de vieilles murailles recouvertes de mousse, divin ! Installé dans deux majestueuses town houses du quartier edwardien, le Nira Caledonia cultive le luxe sans ostentation que l’on affectionne tant chez Monsieur.

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