Des livres contre des maux

Stress, chagrins d’amour, insomnie, calvitie et même éjaculation précoce, la lecture aurait des vertus
thérapeutiques. À condition d’avoir le bon livre. Petite séance de bibliothérapie en accéléré.

« Remèdes Littéraires », se soigner par les livres, de Ella Berthoud

Oubliez les Actifed pour soigner votre grippe. Et faites confiance à Ella Berthoud et Susan Elderkin de la School of life de Londres. Elles vous prescriront une toute autre ordonnance : un livre ! Et pas n’importe lequel, un Agatha Christie. « Notre curiosité naturelle – qui est donc le coupable ? – est plus forte que notre envie de nous complaire dans notre malheur grippal. Les douleurs, les frissons, la fièvre, la gorge irritée, le nez qui coule, tout cela n’est rien comparé à la détermination de trouver le criminel avant Poirot », expliquent-elles sérieusement dans Remèdes Littéraires, un ouvrage proposant à chaque mal un roman adapté supposé nous guérir.
C’est ce que l’on appelle la « bibliothérapie ». La quoi ? « Biblio » pour livre et « thérapie » pour soin. Il s’agit d’une méthode paramédicale peu connue encore en France qui soigne par les mots et les histoires. Après tout, il existe bien la musicothérapie ou l’art-thérapie. Basée sur les « self help book », le « bibliothérapeute » tentera à travers la lecture de stimuler l’émotion du patient, son empathie ou bien son rejet, sa colère. Il lui montrera qu’il n’est pas seul. L’idée est de redynamiser le psychique pour guérir le reste. (115 € la séance quand même – non remboursés par la sécurité sociale bien entendu).

Il passe ses nuits à trier des glands

Ainsi, contre la calvitie plutôt qu’un traitement anti-chute, Susan et Ella recommandent Baton Rouge de Patricia Cornwell. Un thriller autour d’un lycanthrope qui vous fera aimer votre état de chauve (ou en devenir). Au fur et à mesure de l’intrigue, « vous serez de plus en plus révulsé par tout ce qui se rapporte aux cheveux, et caresserez de votre main le haut de votre crâne tout lisse avec un ineffable soulagement. » En effet, autant traiter le problème à la racine.
Le stress se soignera avec l’Homme qui plantait des arbres de Jean Giono. Sérénité assurée selon les deux bibliothérapeutes. C’est l’histoire d’un berger qui vit dans un coin isolé de la France. Il passe ses nuits à trier des glands et ses journées à les planter. Si on retrouve la paix intérieure, il y a de forte chance d’y rencontrer aussi un profond ennui. Insatisfait ? On se plonge alors dans Rue de la Sardine de John Steinbeck : le bonheur tranquille et léger d’une bande de loser. « À quoi bon conquérir le monde entier et le posséder si c’est pour avoir un ulcère à l’estomac, une prostate en capilotade et des verres à double foyer ? », s’interroge Steinbeck. Contre la peur de l’avion, ce sera Vol de nuit d’Antoine de Saint-Exupéry. Le récit d’un pilote bataillant contre les éléments dans la cordillère des Andes à bord d’un biplace brinqueballant vous fera apprécier votre voyage en Boeing. Ou pas. Contre le mauvais goût, La ligne de Beauté d’Alan Hollinghurst : le plongeon d’un boursier d’Oxford dans la haute société londonienne des années 80. On arrête de fumer « pour toujours » d’après les deux bibliothérapeutes avec l’Asile de Patrick McGrath.

Plus de colère après Le Vieil homme et la mer

Un roman qui glace le sang, où l’héroïne a toujours une clope au bec. On guérît de sa pulsion adultérine avec Anna Karénine de Tolsoï qui insiste bien sur la notion de culpabilité. Et d’un chagrin d’amour avec Un été sans les hommes de Siri Hustvedt. (Merci pour ce moment de Valérie Trierweiler devrait fonctionner aussi). Plus de colère après Le vieil homme et la mer d’Hemingway : 84 jours en mer sans prendre un poisson et le héros garde le sourire. Il y a de quoi réfléchir. Avoir une belle-mère, la claustrophobie, la crise de la quarantaine, l’abandon, l’alcoolisme, le hoquet, le rhume des foins, l’insomnie, la retraite, râler tout le temps, les rages de dent, le mal de dos, trop de sexe, pas assez de sexe, devenir sénile… Les auteures ont un remède pour tous les maux. Même l’éjaculation précoce… Il faut lire Paméla ou la Vertu récompensée de Samuel Richardson. L’héroïne résiste à Mr B. pendant 400 pages « durant lesquelles vous serez sur les charbons ardents du désir ». En attendant quels que soient vos soucis, n’oubliez pas le conseil de Patrick Jake O’Rourke : « lisez toujours quelque chose qui vous donnera une bonne tête si vous mourez en plein milieu du livre » (!?). À défaut de vous guérir complètement, cette nouvelle thérapie vous fera peut-être au moins sourire. hélène claudel

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