Le look de… Olivier Saillard

Historien de la mode et performeur, le directeur artistique de J.M. Weston manie aussi bien le style que les mots. Il s’est composé un uniforme minimaliste et rock – son bleu de travail – à partir de pièces vintage. Il nous raconte.

© Alain Delorme

Premiers souvenirs de mode ?

Enfant, je portais mon pantalon en velours avec des élastiques aux chevilles pour qu’il ressemble à un knicker de golf. C’est ma sœur Lucette qui m’a donné le goût pour la mode. Elle se faisait faire des robes qui détonait à Pontarlier où nous vivions. Elle cultivait un style années 40 alors que nous étions en pleine époque disco. Ce sont d’abord les tissus qui m’ont attiré. Issu d’une fratrie de six enfants (quatre sœurs !), je n’avais pas d’endroit à moi. Alors, je me réfugiais au grenier où était entreposés tous nos anciens habits. Je les avais amassés un peu à la Boltanski comme un grand matelas. Je m’y allongeais pour lire, écrire, inventer mon magazine, fumer mes premières cigarettes… J’étais protégé dans ce monde d’étoffes. J’ai retrouvé ce sentiment lorsque je me suis retrouvé, au milieu des années 80, dans les musées de mode.

Pourquoi ce look ?

 Sur moi, j’aime les vêtements simples, sans logo, légèrement défraîchis. Je n’aime pas qu’on puisse en déduire le prix. Adolescent, j’ai été punk avec kilt et rangers. Puis, je ne jurais que par le tee-shirt blanc, le jean et les bottes de pompier. Dans les années 90, j’étais fou de Gaultier. J’ai aussi beaucoup porté les costumes de Dries Van Noten, mais depuis une dizaine d’années, je m’habille ainsi. Je ne me pose plus de questions le matin. Sans doute est-ce l’approche de la cinquantaine… À partir de cet âge, c’est bien d’avoir un uniforme, cela floute les signes du temps… La mode est un véritable carbone 14 !

 La chemise ?

Toujours le même style mais la provenance peut varier : la ligne double RL de Ralph Lauren, les chemises de mon père, parfois celles vendues dans les grandes surface… Ici, il s’agit d’un modèle en denim issu d’une boutique vintage à Florence. J’aime aussi porter la cravate (courte, fine et vintage). Vous ne me verrez jamais avec un pull, si bien que j’ai toujours sous la chemise mon petit « Damart » : un débardeur Zimmerli.

La montre ?

L’Arceau d’Hermès offerte par Anne-Valérie Hash pour me remercier d’avoir

Dans la poche ?

J’ai toujours mes clés au bout de cette cordelette que j’accroche au passant de mon pantalon. Et cela depuis que je me suis retrouvé
à la porte de chez moi un soir de Noël…

Aux pieds ?

Des Weston bien sûr, les derbies Triple Semelle ou les Chasse. Cousu Goodyear pour les premières ou Norvégien pour les secondes, j’adore leur côté massif et rock.

Les lunettes ?

J’ai abandonné les montures métalliques pour un modèle en acétate plus expressif signé Moscot.

Les cheveux ?

Le fait qu’ils blanchissent a été très dur à encaisser mais je préfère cela plutôt que de les perdre… Je vais chez le coiffeur tous les jeudis à 9h30 précises !

Une routine ?

Savon de Marseille, Pour un Homme de Caron – mon parfum depuis 30 ans – et bien sûr, chaque matin, un peu de gel coiffant… Je crains tellement que les choses n’existent plus que j’ai dû acheter une vingtaine de pots. Idem pour mes slips et caleçons. Les mêmes, tous blancs !

La ceinture ?

Depuis 20 ans, j’ai cette même ceinture, achetée dans un super marché. Le trou n°3 commence à tirer un peu. Mais dès que j’en porte une autre, ça ne va pas.

Le pantalon ?

Toujours le même, dans cette toile épaisse couleur bleu navy avec une largeur en bas de 23 cm, confectionné sur mesure et en plusieurs exemplaires, par la Maison Gabriel. Jamais de pantalon fitté, j’aime que ce soit un peu large, un peu années 40. Je me suis fait faire une veste dans la même matière, un tissu qui se patine divinement. J’aime aussi quand l’étoffe est neuve, comme du papier glacé.

Propos recueillis par Hélène Claudel

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